mercredi, décembre 19, 2007

Comprendre les personnages de ma crèche de Noël

Noël: Ce que l'on sait aujourd'hui de la Vierge Marie, de Jésus et des mages

J'ai lu l'an dernier les "Écrits apocryphes chrétiens" (Édition La Pléade). Ce sont des écrits du début de la chrétienté qui n'ont pas été admis par l'Église (du IVe s.) dans le canon de ses Écritures. Je l'ai quelques fois écrit; les racines de la culture occidentale peut se résumer dans la Bible d'un côté et auprès des auteurs grecs de l'autre. Comprendre les contenus mais surtout les mécanismes d'exclusion de ses textes "apocryphes" du début de notre ère est très instructif sur notre propre culture. Et rien de mieux que de lire soi-même les textes fondateurs.

L'important aussi est que les textes apocryphes n'apportent pas de révélations fulgurantes sur Jésus, la Vierge Marie ou Marie-Madeleine mais plutôt une tendance ésotérique (La Pléade, Introduction p. XXII). Oublier les révélations de l'écrivain français Marek Halter et de Dan Brown, ils appuient leurs présomptions sur bien peu de mots.

Personnellement, j'aime mieux le constat des experts. Alors que le film hollywoodien «La Nativité», actuellement sur les écrans, donne une vision plutôt convenue de la naissance du Sauveur, en mêlant les récits évangéliques de Matthieu et Luc; le franciscain Frédéric Manns a écrit un petit ouvrage vulgarisé très pertinent. Le directeur émérite du Studium Biblicum Franciscanum, à Jérusalem, longtemps professeur d'exégèse du Nouveau Testament et de littérature juive ancienne, relit les textes dans le contexte du monde juif du Ier siècle de notre ère, à la lumière des connaissances actuelles des évangiles canoniques et apocryphes, de l'archéologie et de l'histoire de l'Église.

Voici ce que l'on retient de la connaissance actuelle des textes apocryphes sur les personnages bibliques que je retrouve ce matin dans la crèche de mon salon:

1) Joseph

L'évangéliste Matthieu définit Joseph comme un descendant de David. Au Ier siècle, il existait encore des membres de la lignée du roi David. Une inscription gravée sur un ossuaire l'atteste. Et Hérode le Grand avait confisqué la fortune des familles de la maison de David. Pour Matthieu, Joseph est le père de Jésus du point de vue légal, même s'il évite le terme «père». Si la personne de Joseph reste très discrète dans les Évangiles, elle s'impose grâce à un écrit apocryphe intitulé «L'histoire de Joseph le charpentier». L'homme y est décrit comme un veuf à qui les prêtres du Temple confient la garde de Marie âgée de douze ans. Lorsque la fiancée se retrouve enceinte, c'est le choc. Une répudiation s'impose, mais Joseph, rassuré en songe par un ange, adopte finalement l'enfant. Joseph apparaît comme le témoin irrécusable de la virginité de Marie et de la divinité de son Fils. A noter que les deux évangélistes Matthieu et Luc présentent la généalogie de Jésus par Joseph: on n'établissait alors la descendance que par les hommes.

2) Marie

La Torah n'imposait pas de grandes obligations aux filles juives. Le service le plus élevé qu'on attendait d'elles consistait à mettre des enfants au monde. L'âge normal des fiançailles se situait entre douze ans et douze ans et demi. Le mariage suivait un an après. Marie appartient à la classe sociale des «anawim», c'est-à-dire des pauvres qui mettent tout leur espoir en Dieu. Selon les écrits apocryphes, elle aurait été élevée au Temple de Jérusalem jusqu'à douze ans et aurait eu le privilège, avec d'autres jeunes filles pures, de tisser le voile du Temple. La littérature rabbinique précise que des jeunes filles confectionnaient chaque année deux rideaux pour le Temple. Ils étaient remplacés à la veille de Kippour, jour de l'expiation des péchés. Si les jeunes filles n'avaient pas droit à une éducation, Marie a eu tout loisir d'écouter la parole de Dieu à la synagogue qui, au Ier siècle, était ouverte aux femmes. Source: écrit apocryphe intitulé "Protévangile de Jacques" ou Le récit de la nativité de Marie (autre nom du même apocryphe).

3) Vierge?

Dans l'ancien Testament, les hommes au destin exceptionnel naissent volontiers d'une femme jusque-là stérile. Mais des antécédents de naissance virginale existent aussi, par exemple dans le récit de la venue au monde d'Isaac, chez Philon d'Alexandrie. L'absence de père terrestre souligne l'initiative de Dieu: c'est Dieu qui donne le Messie aux hommes par l'opération du Saint-Esprit. Certains passages de l'Evangile sèment le doute sur la virginité de Marie, en particulier l'évocation de «frères de Jésus». Marie a- t-elle eu des enfants de Joseph? Pour Frédéric Manns, il y a confusion avec une autre Marie, mère de Jacques. L'exégète estime aussi que Jésus n'aurait pas confié Marie à Jean au pied de la croix s'il avait eu des frères de sang. La virginité «perpétuelle» de la «mère de Dieu» a finalement été définie en 431, lors du concile d'Éphèse.

4) Les Mages

L'apparition d'une étoile est déjà annoncée dans un oracle messianique au livre des Nombres. Les Psaumes précisent que les rois de Tarsis, Saba et Seba porteront des offrandes. Traditionnellement, les mages étaient des prêtres du culte zoroastrien des Perses. Ils étaient, selon Hérodote, interprètes de songes et détenteurs de connaissances occultes. Chez Matthieu, leur observation d'une étoile en fait des astrologues. Rien n'exclut que des Nabatéens, qui contrôlaient le commerce de l'encens, soient venus de l'Orient à Jérusalem. Les mages représentent les païens: leur accès à Jésus dès sa naissance s'inscrit dans la doctrine universaliste. Dans des textes apocryphes postérieurs, les mages sont mentionnés comme Rois. L'écrit apocryphe "L'Évangile arménien de l'enfance" leur donne les noms de Gaspar, Melkior et Balthasar.
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Belle période de Noël à tous et à bientôt!

A&M

Source: Frédéric Manns, Que sait-on de Marie et de la Nativité. Éditions Bayard
"Écrits apocryphes chrétiens" Édition La Pléade. 1997.

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