vendredi, avril 29, 2005

Je repense à Agrigente

AGRIGENTE

Revêtu des ténèbres de son ignorance,
il charme l’éternité, il cherche la connaissance.
Le temps s’avance un peu et le rêve est fini.
Il comprend que trop penser nuit.

Entends donc, Empédocle, ce vieillard calme et sage
comme seul peut l’être un homme au-dessus des mortels
qui ne plaisante jamais avec l’éternel.

Lorsqu’on voit Agrigente pour la première fois,
on comprend le foudroyant esprit grec de l’infini
qui n’admet pas qu’on bavarde. Tout n’est que poésie.
La vie n’est pas faite pour le Pourquoi.


Le temple Concorde à Agrigente (Sicile)

dimanche, avril 24, 2005

"Y'avait du monde à messe...."

J'arrive d'une belle messe et d'une longue promenade pour le transfert des restes mortels de Marguerite-Bourgeoys.

Ce matin, les restes de la première institutrice de Montréal ont quitté, dans un grand coffret en bois, la maison-mère de la Congrégation Notre-Dame, communauté religieuse qu'elle a fondée il y a près de 350 ans.

J'ai assisté avec un millier de personnes à une messe splendide et émouvante en son honneur à la basilique Notre-Dame. Par la suite, 2 000 personnes ont participé à une grande procession, dimanche vers 13h00, sur la rue Notre-Dame (fermée pour l'occasion) pour accompagner le tombeau de sainte Marguerite Bourgeoys dans le Vieux-Montréal, à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, dont elle est aussi la fondatrice.


Le tombeau de Marguerite Bourgeoys à la sortie de la Basilique Notre-Dame (24 avril 2005)

Les soeurs de la Congrégations Notre-Dame que je commence à bien connaître étaient aux anges...

C'était particulier de voir autant de gens vouloir toucher le tombeau de Sainte-Marguerite-Bourgeoys et d'avoir le sentiment d'avoir assisté à une des dernières grandes processions religieuses de l'histoire du Québec...et peut-être d'assister à la naissance d'un nouveau lieu de pélérinage à Montréal!

Marguerite Bourgeoys est décédée à Montréal le 12 janvier 1700.

Au cours des 305 dernières années, ses ossements ont été déplacés à au moins cinq reprises, à la suite d'incendies ou de démolitions des propriétés des religieuses. Cette fois, ce sont des déménageurs qui sont en cause. Comme les effectifs de la Congrégation de Notre-Dame diminuent rapidement, et que les religieuses plus âgées déménagent vers de plus petites résidences ou infirmeries, la Congrégation s'apprête à remettre sa vaste maison-mère de l'avenue Westmount, aujourd'hui presque désertée, au Collège Marianopolis, ce printemps.
Elle a été canonisée le 31 octobre 1982 par le pape Jean-Paul II.

samedi, avril 23, 2005

Nous sommes tous romains! 1ère partie

Oui je l'affirme: Nous sommes tous Romains puisqu'Occidentaux. Le monde greco-romain constitue les racines premières de cette culture commune à tous les européens et résidents des trois amériques...j'en ai la conviction profonde même s'il s'agit d'une route solitaire surtout au Québec!

Je sais, je sais...mon intérêt pour le monde romain n'a pas de commune mesure avec l'intérêt actuel pour de telles choses. Prenez en ce moment, je termine la lecture de ma 10e histoire (pour le vrai!) de la Rome antique et je la trouve encore plus fascinante que les autres...

La collection de poche Pluriels a publié l'an passé une édition complètement remaniée de "L’histoire de la Rome antique" de Lucien Jerphagnon. Ce professeur français émérite de plus de 80 ans a réussi une gageure : raconter douze siècles en 600 pages, sans que l’on ait l’impression de lire un vulgaire résumé. Il a également remporté son pari : on lit son Histoire d’une traite, comme un bon roman… dont on connaît pourtant la fin !

L’auteur est un Monsieur sérieux : spécialiste de la pensée grecque et romaine, responsable de l’édition de Saint Augustin dans la Bibliothèque de la Pléiade, membre correspondant de l’académie d’Athènes, Jerphagnon n’est pas, à priori, de ces écrivains dont on dévore les ouvrages jusqu’à tard dans la nuit. Pourtant, c'est ce qui m'arrive!

Son érudition éblouissante n’a d’égale que l’humour, souvent grinçant, dont il fait preuve à l’égard de nos ancêtres les romains, de ses contemporains mais aussi de lui-même. Il se plaît, c’est manifeste, à se composer un personnage de grincheux, enrageant devant l’inculture actuelle en matière d’histoire antique : Don Quichottte au service de la Ville Eternelle, il pourfend ceux qui, dans les romans ou au cinéma, se répandent en généralités sur le monde romain.

Car c’est, proclame-t-il, un des objectifs premiers de son Histoire : en finir avec la vision caricaturale que nous avons tous, plus ou moins, de cette merveilleuse civilisation qu’on crût immortelle. Celle d’Astérix et des peplums en technicolor. Celle aussi des images trop faciles sur Caligula et Néron, sur Ciceron ou Jules Cesar.

Donc Jerphagnon, investi de cette ambitieuse mission (rendre à Rome ce qui est à Rome), nous rafraîchit la mémoire, mais surtout nous fait (re)découvrir mille et un aspects d’un " univers " à la fois si lointain et si familier. Il nous narre une incroyable histoire, des origines (douteuses) à la chute (piteuse).

Et moi, j'aime relire l'incroyable courage des Sabines, les guerres avec les éléphants d’Hannibal, les drames des frères Gracchus, les histoires sur les invincibles Parthes, la grande Carthage, la"victoire" de Pyrrus, la révolte de Spartacus, les luttes entre Pompée et César, les conquêtes de Trajan ou les infortunes d’Antoine et surtout la façon surprenante qu'a perduré Rome au cours du 3e et 4e s. ap JC. La remarquable capacité d’intégration et d’assimilation de la société romaine, féru de culture grecque, fasciné par l’Orient lointain, mais également ouvert aux apports des sociétés " barbares ", est en effet un des secrets de sa longévité et de son rayonnement.


Les Sabines de Jean-Louis David (1796)


Toutefois, ma fascination personnelle pour l'univers romain (comme pour le grec) tenait (avant cette lecture) beaucoup aux raisons qui expliquent l'expansion (le début) et le déclin (la fin) de cette civilisation. Et en fait de toute les grandes civilisations..Pourquoi Rome a-t-elle dominée et surtout pourquoi a-t-elle déclinée? Et Jerphagnon avec la lumière du philosophe m'amène une dimension nouvelle...

En fait, je cherchais à comprendre pourquoi les civilisations naissent et meurent...je commence à comprendre...j'aurais dû m'en douter et mieux écouter les vieilles "tounes" de Jean Gabin...

Petrus

dimanche, avril 10, 2005

Une belle et triste Histoire

Didon et Enée

Je me souviens très bien de ma lecture de L'Enéide de Virgile (roman de la période impériale romaine 1e siècle ap JC--reprenant une vieille légende romaine)...il y a de cela peut-être 5 ans. Je dois avouer que j'ai trouvé ce roman fascinant mais un peu moins fort, plus prévisible et moins émouvant que l'Odyssée; Virgile trop inspiré par le roman primordial d'Homère. Toutefois, le passage de la rencontre de Didon et Énée (chap IV) est touchant et représente une des premières histoires d'amour "moderne" (dans le sens où la femme, Didon, joue un rôle actif même s'il demeure tragique).

En fait, l'empereur Auguste souhaitait créer une oeuvre "homérique" qui viendrait mettre en lumière la création mythique de Rome. L'Empereur fit une commande à Virgile. Son roman raconte la fuite du troyen Enée suite à la défaite des siens lors du siège de Troie (12e siècle av JC) et son long périble jusqu'à Rome.


Didon et Enée--Fresque de Pompéi (1er siècle av JC)

Enée et les Troyens feront voile vers l'Italie. Junon (Héra) s'opposera à leur projet de fonder une nouvelle Troie. Elle demandera à Eole de délier l'outre retenant les vents afin de provoquer une terrible tempête qui devait détruire la flotte troyenne. Neptune apaisera les vagues et les navigateurs pourront faire escale en Afrique, près de Carthage, cité récemment fondée par la reine Didon.

La souveraine, touchée par une flèche de Cupidon (Eros), tombera amoureuse d'Enée. Junon, qui espérait que le projet de fonder une nouvelle cité en Italie serait abandonné, favorisera l'union dans une grotte.



Didon et Enée. Illustration du XIIe siècle

Mercure, envoyé par Jupiter, rappellera à Enée qu'il devait accomplir sa destinée en Italie. Didon, persuadée d'être la femme légitime d'Enée, ordonnera de brûler tous les souvenirs laissés par ce dernier avant de prendre la mer. Elle se jettera dans les flammes après s'être transpercée avec l'épée qu'il lui avait donnée. Les fondements de cette légende semblent remonter aux premiers poètes épiques latins, Ennius et Naevius et trouvent sans doute leur origine dans les Guerres puniques.


J'ai eu la chance cette semaine de voir "Didon et Enée" de Henry Purcell (XVII e s.) à l'Opéra de Montréal mais aussi un TechnOpéra très avant-gardiste sur le même sujet. En fait, tout cela m'a rendu assez songeur sur l'écueil des relations prises, en étau, entre la passion et la destinée...ce qui démontre bien que Didon et Enée nous interpellent encore...


Didon, devant Carthage, affrontant le destin. David Ligare 1989

samedi, avril 02, 2005

La voix du baseball

J'aime le baseball depuis toujours, comme on aime l'idée de courir sur les sentiers ou de se tenir debout dans le champ. Cette relation avec le baseball a toujours été liée avec la voix de Jacques Doucet à CKAC décrivant tranquillement un match de baseball les soirs d'été à la radio.

Les expressions françaises de Monsieur Doucet qui décrivent le jeu sont franchement belles. Il arrive que les sentiers sont déserts, que le voltigeur fasse une longue course qui l'oblige à reculer, qu'il regarde aller la balle du simple fait qu'elle est partie, il arrive que le frappeur frappe une chandelle dans le champ intérieur ou que la défensive soit mystifié par une balle qui a des yeux ou que le frappeur soit menotté par un lanceur dominant...

Mais je sais que l'amour du baseball n'est pas à la portée de tout le monde. Ses longueurs déconcertent les gens de peu de foi. Le baseball est rythme lent, atmosphère, il est climat, il nous retient insidieusement. C'est une machine à figer le temps. Il est comme la mémoire des plus tranquilles archives de l'histoire.

Pas facile d'expliquer cela à une fille qui ne connaît ni le baseball ni la voix de Monsieur Doucet. Jamais fille n'est plus dérangeante dans l'auto que lorsqu'elle parle par-dessus Monsieur Doucet, ou qu'elle ferme la radio comme si de rien n'était, en neuvième manche, après deux retraits. Pour te donner un bec..!

Je suis aller voir les Expos au Parc Jarry quelques fois et au Parc Olympique plus souvent. Mais moi, j'écoute le baseball à la radio avec Monsieur Doucet. J'entends depuis 33 ans, depuis en fait que je suis un petit garçon, la voix de Jacques Doucet annoncer en avril le retour du beau temps, je l'entends suggérer que l'été sera beau uniquement du simple fait que cette voix si familière revient, comme toujours...Décrire 162 matchs par année pendant près de 35 ans demande une certaine attitude à la fidélité et à la répétition. Car l'âme est répétitive et elle aime les petits pas...

Je me rappelle un séjour de camping dans la région de Québec. J'avais 12 ans et la rougeole. Cloué au lit de la tente-roulotte toutes mes journées, j'attendais patiemment les reportages des Expos de Montréal que la radio portative m'amenait...c'était mes moments de petits bonheurs quotidiens.


Jacques Doucet (à gauche) après le dernier match des Expos à l'automne 2004


Mais maintenant, à quoi ressemblera mon été 2005 sans la voix de Monsieur Doucet décrivant les matchs tous les soirs et m'accompagnant quelques manches chaque fois que je prend ma voiture?

Sa disparition des ondes fera un grand trou noir dans ma ligne du temps. La voix de Monsieur Doucet a meublé tant de vide et tant d'étés, elle a pris une si grande place dans mon paysage sonore qu'elle a fini par entrer en moi-même.

Cette voix m'habitait, m'appartenait et maintenant je la perds. Mes voyages d'été en automobile ne seront plus jamais les mêmes...