lundi, décembre 31, 2007

Mes souhaits pour 2008: du désir!

En cette fin de l'année 2008, il me fait plaisr d'offrir mes vœux à toutes mes lectrices et tous mes lecteurs à qui je souhaite beaucoup d'argent pour acheter beaucoup de livres et beaucoup de temps pour en lire beaucoup et, bien-sûr, je leur souhaite également d'avoir beaucoup de quoi que ce soit qui puisse accroître leur bonheur, quoi que celui-ci puisse être.

Puis un regret : je n'ai pas d'ennemis, donc personne à qui je puisse souhaiter d'attraper la grippe aviaire, de brûler dans le réchauffement climatique ou d'être privé de cigarettes ; quant aux indifférents, assez majoritaires numériquement, je ne désire que l'extinction soudaine et définitive de leurs cellulaires quand ils sont dans un restaurant.

Mais de façon plus précise; quoi souhaiter de mieux en 2008 pour les lecteurs de l'Ancien et le moderne que de trouver le désir en sachant le préserver?

En effet, je considère que ce qui différencie l'Occident des autres régions du monde est le rapport au Désir. Désir, bien-sûr de modernité (avec tout ce que cela implique comme vecteur puissant de changement) mais aussi désir d'élévation collective, de bonheur personnel, de plaisirs moins nobles et pour certain et pendant longtemps du désir de Dieu...avec, parfois, un soupçon de culpabilité en prime quand on brasse tout cela.

Qui de mieux que le regretté Thierry Hentsch pour illustrer ce rapport que nous avons depuis toujours (en fait depuis la Renaissance) avec le désir et de le décliner avec beauté:

"L'homme moderne désire. Il désire désirer, allant sans trève d'un objet à l'autre, dans l'oubli de lui-même.

Cette quête incessante sous-tend toute la littérature des temps modernes. L'impossibilité de ce qu'elle recherche nourrit cette littérature de bout en bout, y compris là où elle se moque d'elle-même. Dans cette quête du désir, chaque personnage, chaque écrivain contribuent à dessiner les traits les plus marquants de l'image que l'Occident moderne a de lui-même. Don Juan (Molière) le rate sans cesse. Le désir est, en ce sens, ce à quoi Gulliver et Candide (Voltaire), chacun à sa manière, finissent par renoncer, alors que Jacques le fataliste (Diderot) le suit d'un oeil goguenard et parfois inquiet. Sade le gaspille, et Rousseau en nourrit inlassablement son moi blessé. Faust cherche inconsciemment à le recapitaliser dans un humanisme conquérant et démesuré. Hegel le hisse à la hauteur inaccessible de l'esprit. Le héros de Melville (du roman Moby Dick) s'épuise à le harponner à mort, mais le désir de tuer le désir conduit le capitaine Achab à son propre engloutissement. (...) Les frères Karamazov le traînent dans la boue ou l'exaltent dans la sainteté, qui pourtant n'échappe pas à la puanteur du monde. Tandis que Zarathousrta (Nietzsche) en garde malgré lui le secret. Chez Freud et chez Joyce, le désir se décompose sous le scalpel de l'analyse et de l'excès. Proust, dans son intense vivisection, le garde vivant: chez lui le désir devient l'instrument privilégié de l'artiste."

Alors mes ami(e)s, en 2008, Désirez de grâce!

Source de l'extrait: Thierry Hentsch, Le temps aboli. PUM, p.10-11

mercredi, décembre 19, 2007

L'importance de l'esprit des fêtes

Je reprend ici un billet que j'ai écrit l'an passé après avoir écouté l'animateur et anthropologue québécois Serge Bouchard à l'émission de Radio-Canada -Pensée libre en présence de l’anthropologue Bernard Arcand, de l’animatrice Marie-France Bazzo, du philosophe Georges Leroux et de la politologue Nicole Morgan.

Le but de cette émission de deux heures: réfléchir sur le véritable sens des fêtes dans le monde d'aujourd'hui. À la suite un bref résumé et un lien vers l'émission radio. Mais ce qui me frappe en écoutant cette émission, c'est que tout cela touche au thème central de L'ancien et le moderne: le temps des fêtes (décorations, arbre de Noël, la bûche, la crèche, les cadeaux, la messe de minuit, etc) est une autre filière en lien direct avec nos lointaines traditions occidentales, et en soi et pour cela, c'est très important.

Un état d’esprit

« Il faut faire un effort pour faire partie de l’esprit des fêtes. Il faut y mettre du sien. Tout ce qui symbolise le temps des fêtes demande de l’effort », croit fermement Marie-France Bazzo. En vieillissant, Nicole Morgan devient de plus en plus nostalgique des Noëls d’antan. La politicologue se souvient pourtant de certains Noëls ennuyeux de son enfance, mais elle refuse de tomber dans le cynisme. Georges Leroux a aussi une prédilection pour la nostalgie et il se méfie de l’idéalisation du temps des fêtes. « Le temps des fêtes me fascine pour des raisons purement professionnelles », lance Bernard Arcand, qui a consacré une partie de sa vie à l’étude des traits communs de l’humanité. Selon lui, l’esprit des fêtes de 2006 a des relents de la préhistoire.

Les traditions

La commercialisation à outrance du temps des fêtes nous a-t-elle fait perdre de vue les racines de Noël? L’anthropologue Bernard Arcand rappelle l’origine symbolique du feu dans la préhistoire, au-delà de son utilisation première. Certaines recherches indiquent même qu’avant de devenir un sapin, l’arbre de Noël était un chêne. Même s’il est spécialiste de la philosophie grecque, Georges Leroux souligne que Noël était une fête romaine : « Le thème le plus central de la fête de Noël est l’accueil de la vie au moment où on croit que tout va s’éteindre », explique-t-il. Noël découle du solstice, lorsque la vie s’éteint. L’homme décore son foyer et l’illumine afin de réaffirmer la vie, poursuit Bernard Arcand. Nicole Morgan croit aux symboles collectifs de l’humanité. Et le petit Jésus en est un. « C’est la fête de l’enfant, c’est-à-dire de la vie par rapport au désordre », dit-elle.

Bon, je vous laisse. Je m'en vais allumer les lumières de mon petit sapin de Noël.

Pensée Libre-Radio-Canada, 1ère heure sur L'esprit du temps des fêtes
Pensée libre- Radio-Canada, 2e heure sur L'esprit du temps des fêtes

Comprendre les personnages de ma crèche de Noël

Noël: Ce que l'on sait aujourd'hui de la Vierge Marie, de Jésus et des mages

J'ai lu l'an dernier les "Écrits apocryphes chrétiens" (Édition La Pléade). Ce sont des écrits du début de la chrétienté qui n'ont pas été admis par l'Église (du IVe s.) dans le canon de ses Écritures. Je l'ai quelques fois écrit; les racines de la culture occidentale peut se résumer dans la Bible d'un côté et auprès des auteurs grecs de l'autre. Comprendre les contenus mais surtout les mécanismes d'exclusion de ses textes "apocryphes" du début de notre ère est très instructif sur notre propre culture. Et rien de mieux que de lire soi-même les textes fondateurs.

L'important aussi est que les textes apocryphes n'apportent pas de révélations fulgurantes sur Jésus, la Vierge Marie ou Marie-Madeleine mais plutôt une tendance ésotérique (La Pléade, Introduction p. XXII). Oublier les révélations de l'écrivain français Marek Halter et de Dan Brown, ils appuient leurs présomptions sur bien peu de mots.

Personnellement, j'aime mieux le constat des experts. Alors que le film hollywoodien «La Nativité», actuellement sur les écrans, donne une vision plutôt convenue de la naissance du Sauveur, en mêlant les récits évangéliques de Matthieu et Luc; le franciscain Frédéric Manns a écrit un petit ouvrage vulgarisé très pertinent. Le directeur émérite du Studium Biblicum Franciscanum, à Jérusalem, longtemps professeur d'exégèse du Nouveau Testament et de littérature juive ancienne, relit les textes dans le contexte du monde juif du Ier siècle de notre ère, à la lumière des connaissances actuelles des évangiles canoniques et apocryphes, de l'archéologie et de l'histoire de l'Église.

Voici ce que l'on retient de la connaissance actuelle des textes apocryphes sur les personnages bibliques que je retrouve ce matin dans la crèche de mon salon:

1) Joseph

L'évangéliste Matthieu définit Joseph comme un descendant de David. Au Ier siècle, il existait encore des membres de la lignée du roi David. Une inscription gravée sur un ossuaire l'atteste. Et Hérode le Grand avait confisqué la fortune des familles de la maison de David. Pour Matthieu, Joseph est le père de Jésus du point de vue légal, même s'il évite le terme «père». Si la personne de Joseph reste très discrète dans les Évangiles, elle s'impose grâce à un écrit apocryphe intitulé «L'histoire de Joseph le charpentier». L'homme y est décrit comme un veuf à qui les prêtres du Temple confient la garde de Marie âgée de douze ans. Lorsque la fiancée se retrouve enceinte, c'est le choc. Une répudiation s'impose, mais Joseph, rassuré en songe par un ange, adopte finalement l'enfant. Joseph apparaît comme le témoin irrécusable de la virginité de Marie et de la divinité de son Fils. A noter que les deux évangélistes Matthieu et Luc présentent la généalogie de Jésus par Joseph: on n'établissait alors la descendance que par les hommes.

2) Marie

La Torah n'imposait pas de grandes obligations aux filles juives. Le service le plus élevé qu'on attendait d'elles consistait à mettre des enfants au monde. L'âge normal des fiançailles se situait entre douze ans et douze ans et demi. Le mariage suivait un an après. Marie appartient à la classe sociale des «anawim», c'est-à-dire des pauvres qui mettent tout leur espoir en Dieu. Selon les écrits apocryphes, elle aurait été élevée au Temple de Jérusalem jusqu'à douze ans et aurait eu le privilège, avec d'autres jeunes filles pures, de tisser le voile du Temple. La littérature rabbinique précise que des jeunes filles confectionnaient chaque année deux rideaux pour le Temple. Ils étaient remplacés à la veille de Kippour, jour de l'expiation des péchés. Si les jeunes filles n'avaient pas droit à une éducation, Marie a eu tout loisir d'écouter la parole de Dieu à la synagogue qui, au Ier siècle, était ouverte aux femmes. Source: écrit apocryphe intitulé "Protévangile de Jacques" ou Le récit de la nativité de Marie (autre nom du même apocryphe).

3) Vierge?

Dans l'ancien Testament, les hommes au destin exceptionnel naissent volontiers d'une femme jusque-là stérile. Mais des antécédents de naissance virginale existent aussi, par exemple dans le récit de la venue au monde d'Isaac, chez Philon d'Alexandrie. L'absence de père terrestre souligne l'initiative de Dieu: c'est Dieu qui donne le Messie aux hommes par l'opération du Saint-Esprit. Certains passages de l'Evangile sèment le doute sur la virginité de Marie, en particulier l'évocation de «frères de Jésus». Marie a- t-elle eu des enfants de Joseph? Pour Frédéric Manns, il y a confusion avec une autre Marie, mère de Jacques. L'exégète estime aussi que Jésus n'aurait pas confié Marie à Jean au pied de la croix s'il avait eu des frères de sang. La virginité «perpétuelle» de la «mère de Dieu» a finalement été définie en 431, lors du concile d'Éphèse.

4) Les Mages

L'apparition d'une étoile est déjà annoncée dans un oracle messianique au livre des Nombres. Les Psaumes précisent que les rois de Tarsis, Saba et Seba porteront des offrandes. Traditionnellement, les mages étaient des prêtres du culte zoroastrien des Perses. Ils étaient, selon Hérodote, interprètes de songes et détenteurs de connaissances occultes. Chez Matthieu, leur observation d'une étoile en fait des astrologues. Rien n'exclut que des Nabatéens, qui contrôlaient le commerce de l'encens, soient venus de l'Orient à Jérusalem. Les mages représentent les païens: leur accès à Jésus dès sa naissance s'inscrit dans la doctrine universaliste. Dans des textes apocryphes postérieurs, les mages sont mentionnés comme Rois. L'écrit apocryphe "L'Évangile arménien de l'enfance" leur donne les noms de Gaspar, Melkior et Balthasar.
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Belle période de Noël à tous et à bientôt!

A&M

Source: Frédéric Manns, Que sait-on de Marie et de la Nativité. Éditions Bayard
"Écrits apocryphes chrétiens" Édition La Pléade. 1997.

vendredi, décembre 14, 2007

Mes 10 prochains romans pour 2008

Je viens de faire une razzia de livres à la librairie ce qui constituera une bonne partie de mes lectures des prochains mois. Comme vous le constaterai, et pour paraphraser Robert Charlebois..."J'aime les concours...." En voici la liste avec un bref résumé de chacun. Bonne lecture! A&M


1) Les disparus par l'américain Daniel Mendelsohn
Récit littéraire et enquête personnelle sur un drame familial inséparable d'une des tragédies du XXe siècle : l'extermination des juifs par les nazis. L'auteur raconte comment une partie de sa famille a disparu dans l'est de la Pologne au début des années 1940, en laissant quelques lettres, des photos et des souvenirs chez les membres survivants émigrés aux Etats-Unis. Les critiques sont gagas de cette grosse brique.
Prix Médicis étranger 2007.

2) Les belles choses que porte le ciel de l'éthiopien Dinaw Mengestu
Le jeune Sépha a quitté l’Éthiopie dans des circonstances dramatiques. Des années plus tard, dans la banlieue de Washington où il tient une petite épicerie, il tente tant bien que mal de se reconstruire, partageant avec ses deux amis, Africains comme lui, une nostalgie teintée d’amertume qui leur tient lieu d’univers et de repères. Mais l’arrivée dans le quartier d’une jeune femme blanche et de sa petite fille métisse va bouleverser cet équilibre précaire…
Prix du Premier Roman étranger

3) Ap. J.-C. du grec Vassilis Alexakis
L’histoire commence aujourd’hui, à Athènes, chez Nausicaa, une dame de quatre-vingt-neuf ans, qui demande à l’étudiant qu’elle héberge de mener une enquête sur les moines du Mont Athos. Grand Prix du roman de l'Académie française

4)Istanbul du turc Orhan Pamuk
Vaste roman et vaste fresque, Istanbul constitue avant tout l’éducation sentimentale d’un écrivain dans une ville. Orhan Pamuk y retrace sa vie intime dans une grande famille bourgeoise de la ville, où l’on se veut laïque et progressiste. À travers son récit de la décomposition progressive de cette famille, qui va perdre à la fois son mode de vie traditionnel et son statut social, c’est la société stambouliote, et au-delà la société turque des années 1950-1960, qu’il décrit. C’est aussi la ville de cette époque, encore très proche, dans sa forme, de ce qu’elle était à l’époque de l’Empire ottoman. Ce monde en train de basculer revit à travers de superbes descriptions de lieux, de personnages, d’anecdotes et d’instants, relatés avec vivacité et souvent humour. Prix Nobel de la littérature

5) Quand notre monde est devenu chrétien (312-394) de Paul Veyne
Dans son nouveau livre, Paul Veyne revisite l'apport historiquement révolutionnaire du christianisme jusqu'à le situer au sommet de l'esprit, au terme d'une démonstration aussi rigoureuse qu'enlevée. C'est une revigorante promenade spirituelle, imagée, anticonformiste, passionnante, qui rend le lecteur plus intelligent.
Prix du Sénat du livre d'histoire 2007

6) Odeurs du temps de Jean d'Omesson
Qu'est ce qu'ils nous apprennent, Aragon et Yourcenar, et Borges et Cioran, et les autres ? Que selon la formule de Pessoa, 'la vie ne suffit pas' et que la littérature est là pour nous élever un peu au-dessus de nous-mêmes.

7) Alabamo Song de Gilles Leroy
Montgomery, Alabama, 1918. Quand Zelda, "Belle du Sud", rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s'est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du Tout-New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes... Prix Goncourt 2007

8) Cette histoire-là de l'italien Alessandro Baricco
Ultimo Parri est un jeune homme qui vieillit en s'efforçant de remettre de l'ordre dans le monde. Il a cinq ans lorsqu'il voit sa première automobile, l'année de la course mythique Versailles-Madrid de 1903, dix-neuf le jour de la grande défaite de Caporetto en 1917, vingt-cinq lorsqu'il rencontre la femme de sa vie, et beaucoup plus le soir où il meurt, loin de sa campagne piémontaise natale. Cette histoire-là est son histoire, qui nous emporte dans une course effrénée à travers le vingtième siècle, à laquelle l'écriture brillante et habile d'Alessandro Baricco confère une formidable vivacité, pour en faire une de ses plus belles réussites.

9) L'immeuble Yacoubian de l'égyptien Alaa El Aswany
Connaissez-vous Alaa El Aswany ? C'est un véritable phénomène, avec cent mille exemplaires de L'Immeuble Yacoubian vendus en quelques mois, un film en cours de tournage avec une grande mobilisation de moyens et d'acteurs célèbres. Très vite,poussé par la rumeur, le livre s'est répandu dans le monde arabe et le voici aujourd'hui en français. L'auteur est un vrai Egyptien, enraciné dans la terre noire du Nil, il pose un regard tendre, affectueux, plein de pitié et de compréhension sur ses personnages qui se débattent tous, riches et pauvres, bons et méchants, dans le même piège.

10) Le roman de Léonard de Vinci du russe Dimitri Merejkovski
Comment Léonard de Vinci est-il devenu l'incarnation du génie créateur ? Comment a-t-il vécu, aimé, souffert ? Avec un soin du détail et une inspiration dignes des plus grands, le romancier russe Dimitri Merejkovski (1866-1941) nous entraîne dans l'intimité d'un homme pour lequel le talent, perçu comme un don de Dieu, est un véritable sacerdoce, qu'il assume de toute son âme,refusant les facilités de l'argent et des vanités. Portrait prodigieusement vivant du grand artiste, ce Roman de Léonard de Vinci est également une pièce maîtresse de la littérature russe du XXe siècle.