samedi, septembre 17, 2005

La musique électronique à Montréal

Lors de mon bilan de blogue, j'ai promis de rebalancer mon site et d'être un peu plus fidèle au titre...le moderne y perd son latin(!) et ne s'y retrouve pas trop...je me reprends ce matin de week-end en remettant en avant-scène un élément qui m'interpellent beaucoup: la musique électronique à Montréal.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, la culture de la musique électronique montréalaise connaît un essor sans précédent depuis quelques années. Montréal (et ses artistes) se révèlent enfin après des années passées dans l'ombre des clubs. Montréal côtoie le petit groupe des grands villes mondiales reconnues dans ce secteur tels que Berlin, Barcelone, New-York et San Francisco.

En fait, cette situation est le fruit d'une longue évolution liée à la nature même de notre ville. En effet, le centre-ville de Montréal a longtemps été considérée comme le lieu de tous les excès. Plaque tournante de l'alcool de contrebande durant la prohibition américaine des années 20, elle abritait un redlight où bordels côtoyaient bars et contrebande de toutes sortes. Partout sur le continent, on connaissait la fièvre qui régnait dans la ville, tout comme était connu et reconnu le nightlife de Paris de par le monde. Cette culture de la nuit a ainsi façonné l'histoire de la métropole québécoise jusqu'à aujourd'hui, lui laissant en héritage un des ratios les plus élevés de bars per capita en Amérique du Nord...

Comme toutes les autres grandes villes de la planète, Montréal a été submergée par les vagues house et techno à la fin des années 80, et ce, dans les multiples warehouse party organisés dans les lofts de la ville, la très dynamique culture gaie leur servant de moteur. Les raves rassemblaient dans les années 90 une foule éclectique. Un échantillon bigarré de la population active se trouvait dans ces fêtes à peine légales. Ce fut aussi l'endroit où les gens découvraient pour la première fois l'esprit communautaire et la transe que peut causer la musique répétitive. Il était désormais admis que des hommes et des femmes puissent danser seuls, isolés de la foule dans des voyages souvent artificiels...

Les premières expérimentations de la musique électronique ont permis l'avènement des premières productions montréalaises du genre au milieu des années 90. Appuyés par les clubs, les DJ se transformèrent en producteurs ou en entrepreneurs en créant il ya environ 5 ans plusieurs étiquettes de disques qui, encore aujourd'hui, desservent la communauté DJ (Turbo, Ascend, Bombay). Montréal connût ensuite un raffinement musical lorsque fûrent créés des festivals comme Elektra, M.E.G. et, surtout, Mutek. Depuis le début du troisième millénaire, ce festival attire les Montréalais et même visiteurs de l'extérieur autrefois adeptes de rave et propose une musique moins dansantes et plus abstraite (plus matures, dirait Alain Mongeau, le directeur de Mutek).

On remarque maintenant que Montréal attire de nombreux producteurs de renom, lesquels viennent s'y installer : Mike Shannon, de Toronto, Amon Tobin, d'Angleterre; l'étiquette allemande Force Inc., qui a ouvert ses bureaux nord-américains à Montréal, suivant en cela l'étiquette britannique Ninja Tune, qui avait fait de même en 1995. Il existe dans la métropole québécoise un esprit d'entraide et de cordialité très propice à la création, ce qui semble plaire à ces nouveaux arrivants. L'activité des créateurs a longtemps été freinée par le manque de moyens, de confiance et d'infrastructures, mais elle sort enfin de l'ombre, appuyée par plusieurs nouvelles étiquettes de disques comme Oral et Alien 8 par exemple. Et cela est sans compter les compilations plus accessibles style Café Méliès (le 1er des trois parus jusqu'ici, demeure mon favori!).

Mutek

Étant actif auprès de Mutek, je peux parler en toute "non-objectivité" de ce festival que j'estime au plus haut point.

En effet, grâce au dynamisme de ce festival, une nouvelle vague montréalaise de producteurs a vu le jour et a su donner une nouvelle impulsion à la créativité locale. Marc Leclair, impliqué dans le festival depuis ses débuts, est grandement redevable à cet événement. Son projet Akufen s'est fait connaître lors de la première édition de Mutek, et fut suivi en cela par la parution d'un album de musique électronique montréalaise, My Way, en 2002, qui demeure l'un des albums de ce genre le plus vendu au monde. Akufen a également prêté son doigté house hachuré à de grands noms de la pop dans le cadre de plusieurs remix (Massive Attack, Craig David, etc) . Je cite Marc Leclair dans une de ses entrevues: « Mutek, je ne le répéterai jamais assez, a permis à la scène montréalaise, je dirais même canadienne, de pouvoir accéder au stade supérieur et de se trouver une place de choix sur la scène internationale. Non seulement le festival a permis la création d'un pont avec le reste du monde, mais il a surtout permis aux artistes de prendre conscience de la grande quantité de musiciens qui peuplent la scène techno. Mutek a créé une solidarité entre ceux-ci. »

L'édition 2005 (juin) de Mutek a attiré plus de 12 000 personnes dont 35% de l'extérieur du Québec...un grand succès pour un événement aussi novateur.

Société des arts technologiques (SAT)

La présence permanente d'organismes comme la Société des arts technologiques (SAT) a ensuite permis à la communauté électronique montréalaise de respirer tout au long de l'année. L'organisme est en effet au centre de l'avant-garde technologique, qu'elle soit universitaire, industrielle ou artistique. Elle développe et accueille différents projets, et s'est rapidement installée au coeur de la communauté électronique en organisant des soirées réunissant jusqu'à 800 personnes dans un décor industriel et flexible (ex.: Taste, Néon et autres).

Les soirées de la SAT (sur la rue St-Laurent au sud de Ste-Catherine) sont devenues des rendez-vous hebdomadaires et ont, en fait, permis à plusieurs acteurs des technologies de se rencontrer. La raison d'être de cet organisme est un réseau entre les différentes personnes qui oeuvrent dans le milieu de la culture numérique. Étant un lieu physique, la SAT est devenue une plate-forme maison pour nombre de créateurs. Le numérique change les façons de créer et de penser, et encourage la transdisciplininarité, et la SAT fait partie intégrante de ce changement. On est en train de traverser toutes les disciplines, autant les sciences sociales, l'art, l'ingénierie que les technologies.

À ce titre, la SAT encourage une autre forme d'art qui émerge de la scène rave; cette forme, qui s'appuie sur la vidéo, a été appelée le VJing. Parent pauvre de la musique, cet art connaît désormais un essor marqué depuis l'arrivée du numérique et l'allégement de son équipement. Il ne cesse d'évoluer depuis l'invention du caméscope et le travail qu'a effectué sur l'image rythmique le Coréen Nam June Paik à la fin des années 70. Le VJing a toujours été dans l'ombre des événements de musique électronique. Les VJ sont en fait des vidéastes qui produisent une création vidéo en temps réel de la même façon que la création musicale. La SAT essaie donc de favoriser la vidéo de façon à ce qu'on puisse avoir un vrai dialogue entre les DJ et les VJ.


Le contexte montréalais

En plus d'une histoire artistique riche, le Québec est reconnu pour l'appui financier qu'il fournit à ses artistes, reflet d'une politique culturelle dynamique. Les loyers y sont encore (pour longtemps?) parmi les plus bas du continent, et le statut de l'artiste indépendant y est respecté. Le mouvement culturel numérique n'est pourtant pas que Montréalais. La définition même de la culture numérique est basée sur l'abolition des frontières. Les DJ se promènent partout, leurs disques trouvent preneurs partout sur le globe, et le DVD ouvre maintenant la même porte aux VJ. La distribution et la diffusion se font à un niveau international, mais la production se fait maintenant connaître au même niveau. Il y a de plus en plus de projets qui vont se développer en faisant appel à différents lieux et différents centres dans différents pays. Avec des projets partout sur le globe, on assure déjà à l'étape de production la possibilité d'être en distribution et en diffusion internationales. Le terrain de jeu est beaucoup plus grand que Montréal, bien que ce soit évident que Montréal possède une spécificité. Cette particularité est éminemment culturelle bien qu'elle se résume difficilement. Moi, j'y vois essentiellement la diversité culturelle nord-américaine dans un contexte francophone libéral.
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Voilà pour ce billet de mise en contexte, j'essaierai de vous pister la prochaine fois sur mes créateurs montréalais préférés

Source: quelques articles sur le Net (dont la revue Horizon) et inspirations personnelles...

ancienetmoderne@hotmail.com

3 commentaires:

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