mercredi, janvier 18, 2006

La classe moyenne à Rome et nous!

Maintenant que Paul a rendu les armes (voir billet précédent), je peux retourner aux plaisirs de l'ancien et du moderne....

J'ai malheureusement terminé mon gros Dictionnaire de l'Antiquité (voir mon billet sur ce livre) la semaine dernière ; je dirai que j'en ai lu les 2/3, sautant quelques notices moins intéressantes de temps en temps... j'avais pris l'habitude de lire quelques dizaines de pages chaque soir depuis un bout...je m'ennuyais de cette lecture qui m'est rendue réconfortante...

J'ai donc entrepris cette semaine la lecture d'une nouvelle somme (de près de 900 p.) qui est l'autre grande nouveauté dans l'édition sur le sujet, soit: "L'empire gréco-romain" de Paul Veyne (éditions du Seuil, 2005) ...

Paul Veyne occupe dans l'historiographie française de l'Antiquité une position singulière, et l'on ne sait si le qualificatif qui lui convient le mieux est celui d'agitateur ou de décapeur. La lecture de son dernier livre ­ - constitué de douze études publiées antérieurement mais largement remaniées et amplifiées­ - incite à choisir le dernier terme, car, avec le style inimitable , fait d'élégance raffinée dans le choix des mots et d'audace dans les images, Veyne bouscule les certitudes et démonte les idées reçues. Il ne se contente pas des définitions et des explications acquises, et pose à nouveau les questions auxquelles on croyait avoir répondu depuis longtemps, entre autres:

Qu'est-ce qu'un empereur romain ? Y eut-il une classe moyenne à Rome ? Comment les Grecs ont-ils réussi à s'accommoder de la domination politique de Rome ? Pourquoi l'art gréco-romain a-t-il pris fin ? etc

Son chapitre sur la classe moyenne durant l'antiquité m'intriguait fortement... existait-il une classe moyenne à Rome il y a deux mille ans? Il semble que oui malgré ce que beaucoup en pense selon l'analyse fascinante de Paul Veyne (p.117-161). En effet, selon Aristote (cité par Veyne) : "dans toutes cités, il y a trois parties, les très riches, les très pauvres et troisièment ceux qui étaient intermédiaires (mesoi) entre les précédents". Ils s'agissaient essentiellement de commerçants de tout acabits mais aussi de petits rentiers du sol, vivant en ville et formant une espèce de nouvelle bourgeoisie.

Mais ne nous trompons pas, rien à voir avec la classe moyenne de nos sociétés occidentales d'aujourd'hui: à Rome à l'an 0, il y avait une minuscule classe de très, très riches, une très petite classe moyenne et une vaste majorité de gens très pauvres. Mais il y avait classe moyenne.

En fait, le Rome d'alors était (selon des analyses spéculatives de spécialistes très savants) environ 20 fois plus pauvre que le Montréal d'aujourd'hui. Rome, le centre du monde antique à cette époque, avait le niveau de vie et les répartitions de richesse similaire à une grande ville africaine du XXIe siècle. Rome était la plus riche, dans une époque beaucoup plus pauvre qu'aujourd'hui.

Les recherches des dernières décennies ont permis de découvrir des témoignage sur les valeurs de cette fameuse "classe moyenne antique". Selon Paul Veyne, leurs valeurs se résumaient ainsi: l'hédonisme, l'art de vivre heureux mais en concordance avec l'influence d'Horace: avant la mort tout s'achève, il est sage de jouir de ses biens mais en ayant le geste large envers son entourage. Valeurs uniques qui n'étaient partagés ni par les très riches de l'époque ni par les très pauvres trop occupés à survivre.

En lisant l'éditorial très récent du journal montréalais La Presse du dimanche 15 janvier 2006 qui portait sur les valeurs des Québécois en relation avec l'argent, j'ai eu un (petit!) choc...En effet, le parrallèle était frappant avec les conclusions de Paul Veyne. Selon le études citées par Mario Roy de La Presse, le Québécois "moyen" de 2006 est caractérisé par une approche hédoniste teintée de la volonté d'aider ses proches. Dépensons nos biens avant de mourir serait aussi l'adage de mes concitoyens...

La classe moyenne romaine (pré-chrétienne) semble en définitive ressembler beaucoup plus que l'on pourrait penser à la classe moyenne québécoise (post-chrétienne) d'aujourd'hui....c'est Horace qui serait content!

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