mercredi, décembre 20, 2006

La folie allemande

Est-ce que ça vous arrive d'avoir de la tristesse pour un pays ou un continent? Moi oui. Pour l'Afrique beaucoup mais aussi pour l'Allemagne.

On ne peut avoir qu'une grande admiration pour la culture classique allemande avec ses compositeurs (Jean-Sébastien Bach, Ludwig van Beethoven, Mahler, etc), ses philosophes (Kant, Nietzsche, Heidegger, etc) et ses écrivains (Goethe, Hermann Hesse, Rainer Maria Rilke et les autres). Vers 1900, l'allemand était une grande langue internationale et sa culture rayonnait partout dans le monde.

Puis, il y a eu la Première grande guerre (1914-18), la défaite allemande et surtout la Conférence de Paris de juin 1919 qui allait confirmer une situation catastrophique pour l'Allemagne: perte de 15% de son territoire en Europe, pertes de toutes ses colonies, dédommagement financiers écrasants, contrôles commerciaux restrictifs. Une immense claque quoi!

Comme il fallait s'y attendre, un esprit revanchard se développe rapidement dans l'Allemagne des années 20 et 30 et on connaît la triste suite.

Actuellement, je lis 2 livres en même temps qui sont en lien avec cette histoire soient "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell et le court livre de l'historien Pierre Vidal-Naquet "L'Atlantide" .

Dans le roman "Les Bienveillantes", on observe bien le résultat de cette descente en enfer de l'Allemagne: esprit de vengeance, ouverture au dogmatisme et identification d'un grand coupable: les juifs.

Lecture saisissante. Fresque de grande ampleur où sont convoqués des centaines de personnages réels ou fictifs, portée par une authentique puissance narrative, Les Bienveillantes n’est certes pas de ces romans que l’on peut envisager d’aimer, mais il se dégage de ses pages une force de conviction hors du commun, une sensation inouïe de réalisme et de justesse.

Un choc que ce grand roman sur la nature humaine: l'implacable mécanique administrative, tous ses recours pour masquer l'abomination est démontée devant nous, accablante, sans véritable sadisme ou perversion à l'exclusion de quelques uns. La vérité est là, cruelle pour chaque lecteur: ces crimes ont été le plus souvent réalisés par des gens bien proches de nous agissant selon les circonstances par passivité, obéissance, dégoût, lâcheté, cruauté...

C’est d’ailleurs dans la littérature française que l'auteur puise ses références, la généalogie d’écrivains qu’il a faite sienne : Sade, Flaubert, Genet, Blanchot, Bataille – c’est dire si la question des liens entre la littérature et le mal n’est pas, pour lui, chose insensée.

Un homme hanté par une histoire personnelle douloureuse, par des rêves et des symptômes physiques qui semblent les indices d’une dégradation morale intense, mais aussi un fonctionnaire du crime sans passion ni compassion, sans doutes ni hésitations, mû par un pur et simple et effrayant souci d’efficacité. « Ce que j’ai fait, je l’ai fait en pleine connaissance de cause, pensant qu’il y allait de mon devoir et qu’il était nécessaire que ce soit fait, aussi désagréable et malheureux que ce fût », se justifie Maximilien Aue, en préambule à ces Mémoires imaginaires.

Dans un autre registre, j'ai terminé l'essai de l'historien Pierre Vidal-Naquet "L'Atlantide". Ce livre témoigne d'un autre visage de cette hystérie; la pure folie des historiens allemands des années 20 et 30 qui cherchaient désespérément une racine glorieuse au passé allemand quitte à le chercher dans l'Atlantide!!!

Par exemple en 1922, le Dr. Zschaetzsch publie « l’Atlantide, patrie primitive des Aryens ». Aussi dans les années 30, le Dr. Rosenberg, l’idéologue de Hitler, qui explique que les Atlantes, ces ancêtres des Germains (!), est le nouveau peuple élu qui s’était répandu un peu partout, y compris en Galilée, ce qui permettait de faire de Jésus un Atlante, donc un non-Juif. Il faut le faire.

On me dit que les jeunes allemands des années 2000 sont toujours stigmatisés par leur passé et les actions de leurs grand-parents; peuvent-ils faire autrement! Comment une telle folie a telle pu émerger d'une culture aussi forte et diversifiée?

Le livre "Les Bienveillantes" m'a permis de mieux comprendre, d'appréhender la pensée d'un tortionnaire mais surtout de sentir le vent de la folie dans mon cou...

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Vous avez vraiment lu la totalité de l'oeuvre Les Bienveillantes? Chapeau !

Anonyme a dit...

Je suis , de mon coté , tres curieux de l'acceuil que reserveront le public et la critique allemande à ce roman prodigieux : on y ressent très bien l'ivresse de puissance et l'autisme moral qui semblent bien avoir , à l'époque , submergé la grande majorité de la société allemande , permettant les transgressions les plus folles . On ressort de ce livre avec une vision plus aigue de la responsabilité collective allemande dans cette tragédie historique .

Anonyme a dit...

Cher Ancien et Moderne,

Mahler était autrichien de nationalité (né dans un petit village de Bohème). Tu aurais pu citer Richard Wagner à la place, ce dernier ayant été d'une grande influence sur Mahler.

Le lecteur de romans russes a dit...

Réponse en deux temps:

1) Anonyme: J'ai presque fini la lecture, je compte bien compléter "Les Bienveillantes" aujourd'hui

2)Paul: Oui Mahler est autrichien mais il faisait parti(lui aussi) de cette grande culture allemande qui transcendait la frontière de l'Allemagne