jeudi, octobre 18, 2007

L’ART CONTEMPORAIN EN 2007

L'art contemporain, une affaire d'initiés ? De moins en moins, si l'on en croit l'explosion d'événements en tout genre qui émaillent une rentrée 2007 résolument riche et ouverte. Nouvelles galeries, foires, accrochages inédits et installations originales, les formes se multiplient et quittent le simple espace d'exposition pour se faire parcours, quittant leur profil traditionnel pour se faire expériences singulières.


Au-delà de la multiplication des célébrités prenant part aux festivités les plus en vue de la sphère artistique, c'est tout un public nouveau qui se tourne vers la création contemporaine. Et de nombreuses initiatives viennent confirmer cet engouement en mêlant des projets aux consonances sociétales, politiques ou simplement culturelles. De là à voir en l'art contemporain un vecteur de communication porteur, il n'y a qu'un pas, qu'il serait bien injuste de franchir sans passer en revue les modalités les plus actuelles de son développement.


Une cartographie renouvelée


Car, à coup sûr, c'est d'abord cette ouverture qui frappe en premier lieu dès lors que l'on parle d'art. Longtemps cantonné et raillé pour sa relative étrangèreté aux préoccupations les plus communes, l'art de la seconde moitié du XXe siècle a finalement marqué les esprits par sa diversité autant que par sa capacité à user d'esthétiques non conventionnelles. De la sérialité d'un Andy Warhol à l'abstraction géométrique et minimaliste, les codes de l'art ont finalement trouvé un écho dans la consommation la plus courante (de la mode à la décoration en passant par la technologie) et, partant, un oeil moins hostile à une forme de création émancipée des cadres conventionnels. Dès lors, entre la volonté politique imprimée depuis les années 1980, les multiplications d'ateliers pédagogiques, les conférences introductrices et les publications généralistes, ces dernières années amorcent un virage certain de la réception d'une création contemporaine forcément marquée par l'évolution sociale. Et l'invasion, par les artistes, de lieux inédits, n'est pas pour démentir cet engouement.


Les leçons de l'année


En matière d'événements, les acteurs ont multiplié les initiatives pour diversifier les modes de diffusion. Les galeristes redoublant d'efforts pour mettre en valeur leurs artistes se font tour à tour organisateurs d'événements (les initiatives Show Off, Slick, les prix soutenus par les galeries) ou curateurs : nombre de galeristes proposent une véritable mini-exposition lors des foires à venir, comme l'avait fait la galerie Loevenbruck par exemple au début de l'année à Artparis.


Spectres et vanités


Car il est nécessaire de s'adapter à la nouvelle tendance, portée vers le ludique, l'amusement et la participation. La nouveauté communautaire d’Internet semble se rallier à la cause d'un art contemporain décidé à intégrer le plus largement possible. Le pop se fait populaire et le cynisme s'est transformé en une grande invitation humaniste à la nostalgie. L'on salue ainsi un art qui n'a plus besoin de distance, une sorte de répétition postmoderniste qui en annule les effets et plonge dans un hypercommunautarisme où tout le monde trouve sa place.

Ce qui n'empêche pas de percevoir aujourd'hui encore le spectre d'un Marcel Duchamp extrêmement présent, son fantôme planant même sur l'exposition 'Airs de Paris' (à ce titre tout à fait représentative de la scène actuelle, tant dans ses meilleurs côtés que dans ses parts les plus éculées), ou d'une tendance au kitsch populaire assumé (l'installation incroyable dédiée à Ghost Rider au Palais de Tokyo, les tableaux de Karen Kilimnik et leur fantaisie adolescente), le maniérisme baroque bonbon du talentueux Philippe Mayaux et l'humour décalé so british du cabinet de curiosités dérangé (les brillants Patrick van Caeckenbergh ou Eric Duyckaerts). De même, on note aussi une franche tendance aux références les plus assumées dans la création émergente, cette énergie à instiller dans son oeuvre des morceaux de son intimité, qui emprunte pourtant une voie totalement différente de celle tracée par Sophie Calle, référence en la matière, préférant la re-fabriquer en l'exposant, en la mettant finalement véritablement en jeu.

Une véritable tornade dans la création contemporaine, qui n'est pas sans redéfinir les codes du marché de l'art, zone d'influence toujours aussi aléatoire des pratiques artistiques.


Cousu de fil d’or


En effet, cette ouverture n'est pas étrangère à l'apparition d'un nouveau type d'acheteur, moins collectionneur éclairé que fin stratège de l'économie, n'hésitant pas à s'octroyer les services de conseillers pour dénicher des pièces vouées à doubler (voire tripler) de valeur ou achetant simplement à tour de bras, histoire de maximiser les chances de rentabilité.

Dans un contexte de flambée des prix, l'art est une valeur profitable à de nombreux investisseurs, qui y ont donc importé cette méthode pour le moins radicale, le ”Spray and Pray” (littéralement "Arrose et prie"), consistant en un achat à grande échelle d'oeuvres de différents (très) jeunes artistes, misant leur investissement sur la montée en puissance de l'un d'entre eux et remboursant ainsi largement les moins bénéfiques. Si l'acte se rapproche de la performance, le marché, lui, ne s'en amuse pas et, libéré d'un risque de sclérose dû à une hausse exceptionnelle des prix, encourage les galeristes comme les maisons d'enchère à dénicher des artistes jeunes ou méconnus (à l'image de l'explosion d'un art oriental que l'on découvre à mesure que les ventes s'envolent) et à les ériger comme alternative aux artistes les plus installés, désormais inabordables. Le marché paraît alors tendu entre ces figures de l'art et la scène émergente. La remise sur le devant de la scène d'artistes en milieu de carrière fait alors figure de balance, recherche d'un équilibre entre ces deux tendances fortes. Car il existe un tel décalage entre les oeuvres et leur prix (proportionnellement à ce que l'on a vu jusqu'ici) que d'aucuns craignent une remise à niveau brutale. Si les boursicoteurs optimistes peuvent y voir une installation en fanfare de l'art contemporain dans l'économie libérale, d'autres y verront les signes avant-coureurs d'une nouvelle crise, rejetant les efforts conjugués ces dernières années en faveur de sa diffusion.


Sur la forme, si la peinture, la photographie et les installations s'écoulent sans difficulté, l'engouement pour le dessin semble quant à lui s'essouffler, même s'il reste le seul moyen d'obtenir des oeuvres de grandes signatures, forcément plus accessibles. De même, la vidéo, elle aussi, a subi le contrecoup de cette tendance du marché, plus tourné vers l'objet de collection que vers un support difficilement commercialisable. Une relative mise à l'écart qui n'est pas sans appuyer la spécificité de la "chose matérielle" dans le commerce de l'art.


Ainsi, entre objet de convoitise, bien de consommation culturelle et enjeu de spéculation, il semble bien que la diffusion de l'art peine à trouver une unité dans cette multiplication des formes, reflet à peine voilé d'une pratique en pleine mutation. Mais ce qui laissait a priori présager d'une année excellente risque d'être quelque peu refroidi par une économie secouée par la crise américaine, principal indicateur des velléités de découvertes des collectionneurs. Ainsi, peut-être est-ce au tour des amateurs de participer, "pour du beurre", à cette grande chasse au trésor, cette entrée évidente dans un monde qui, par là, redécouvre une dimension plus ouverte qu'il serait dommage de manquer.


Source: Guillaume Benoit pour Evene.fr - Octobre 2007

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