dimanche, mars 19, 2006

Souvenir de mes ''Madames Paki''

Je viens de déménager du quartier montréalais d'Ahuntsic pour le Plateau Mont-Royal. Pas loin de 10 ans dans le nord de l'île de Montréal qui l'aurait cru..

Je suis d'accord avec Michel Rivard qui a écrit que la nostalgie est comme une femme aux yeux trop bleus...j'essaie donc d'éviter la ronde des souvenirs que ce soit les bons ou les naufrages. De toute façon, côtoyer l'antiquité m'a appris que les vestiges de naufrages prennent de la valeur avec le temps...j'attendrai bien encore une décennie ou deux avant d'aborder le sujet!

Pour ce blogue, je vous ferai plutôt part d'un souvenir anecdotique (mais affectueux) de mes nombreux passages à la buanderie St-Laurent (au coin du boul. St-Laurent et de Port-Royal à la limite sud du quartier Ahuntsic). Je n'ai pas eu de laveuse/sécheuse pendant près d'une décennie parce que appart. trop petit. J'ai donc longuement fréquenté cette buanderie.

J'y arrivais souvent tard le soir ou même après minuit. Je dors peu la nuit; j'aimais profiter de ces heures nocturnes pour faire un tour à la buanderie en lisant mon roman du jour. À ces heures tardives, on y rencontre surtout des femmes sans âge entourées de grands sacs blancs bourrés de linges sales. Il y avait toujours quelques haïtiennes mais surtout des femmes ''hindous''--à peu près toujours les mêmes--que j'identifiais dans ma tête comme mes ''Madames Paki''. Elles lavaient le linge pour d'autres avec des gestes mécaniques, sans dire un mot, dans le silence.

Au cours de ces nombreuses années, de ma centaine de visites nocturnes peut-être, elles ne m'ont jamais adressées la parole-- moi non plus d'ailleurs. Au début, je sentais une certaine surprise dans leurs regards: que fait cet homme (j'étais le seul homme) blanc (j'étais le seul blanc) en pleine nuit dans cette buanderie avec son petit sac ridicule alors que nous, nous sommes obligés d'y être.

Après quelques mois, j'étais fondu dans le décor et elles ne me regardaient à peine arriver. J'étais content de faire partie de la famille...Je plaçais mon linge, je m'installais toujours sur la même chaise (j'étais le seul à m'asseoir...ces femmes restent toujours debout!) et je prenais mon roman. Je lisais des romans style ''Germinal'' de Zola et je ne pouvais m'empêcher de penser à l'injustice de la destinée...Je quittais bien sûr bien avant elles.

Et maintenant que je suis sur le Plateau (avec laveuse/sécheuse!), je repense à mes Madames Paki qui laverons encore ce soir le linge des autres dans une buanderie quelconque du nord de Montréal ...

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Vos textes sont surprenants et très touchants. Nous sommes un petit réseau à vous lire dans le sud de la France!

Merci!

Anonyme a dit...

Y a du monde en Gaspésie qui apprécie aussi votre blog!

Anonyme a dit...

Bonjour,

Un autre commentaire d'un européen (de Genève) qui va dans le même sens que les autres: La plupart des blogs que l'on voient actuellement sont soient très technos, intimes ou même (de plus en plus)d'entreprises...ou si vous voulez pas très intéressant!! Vous réalisez ce que devrait être un blog selon moi: une voix originale d'un individu de son temps qui dépasse les petites préoccupations quotidiennes....et c'est rare!

Quelques autres blogs en France parlent de vous. Moi je vous ai connu il y a quelques mois par un post très positif sur vos textes au blog suivant:

http://sayuri.hautetfort.com/

Allez voir la petite référence dans sa section ''Les blogs que j'aime''

Continuez votre bon travail...

Le lecteur de romans russes a dit...

Merci pour tous les commentaires (j'en ai reçu aussi quelques uns par courriel)...c'est très apprécié même si je ne sais pas trop quoi écrire d'autres...