mardi, octobre 03, 2006

Douce agonie...

J'ai vidé ce soir ma dernière boîte de livres qui dormait dans le garde-robe de fiston. J'y ai retrouvé Dolce agonia de Nancy Huston...Un des romans contemporains qui m'a le plus bouleversé!

La première page campe le récit autour d'un repas de Thanksgiving chez Sean Farrell quelques part dans le NE des États-Unis. Poète et professeur de poésie : il rassemble une douzaine d’amis qui risqueraient - comme lui - de se sentir seuls en ce soir de fête. Il y a là des collègues écrivains et universitaires, un avocat, un boulanger philosophe et un peintre déçu par le travail artistique, d’anciennes amantes... plus les conjoints des uns et des autres. Tous ont largement dépassé la quarantaine, sauf la jeune épouse d'un des collègues.

Les hôtes se rassemblent autour d’un prodigieux festin, mais l’espace qui les cerne est peuplé de présences invisibles. Celle de Dieu, pour commencer...Un Dieu sans compassion, qui intervient régulièrement au fil du récit pour préciser quelle sera la destinée de chacun, quelle sera la fin.

Ces passages merveilleusement écrits entre Dieu qui prédit l'avenir de chacun et les pensées des personnages du roman sont au coeur de la trame romanesque.

Bien présentes les pensées des invités: amours saccagées, échecs, nostalgie, disparus bien-aimés, enfants ou parents, les ramenant sans cesse à leur propre fragilité.



Mais le roman de Nancy Huston est plein de tendresse et de quiétude, même s’il est traversé de méditations douloureuses, même si la fatalité est présente à chaque page, dans le passé comme dans l’avenir révélé des convives. Mais nul n’évoquera le malheur à voix haute : en apparence, la soirée se déroulera paisiblement, dans la douceur festive d’une nuit d’hiver. Une beauté noire, je dirais.

Dolce agonia fut esquissé, abandonné, repris plusieurs fois en dix ans, avant de paraître il y a quelques années déjà (en 2001). On comprend tout le travail, tant est délicate la trame qui permet d’entrelacer tous ces destins sous le regard d’un Dieu ironique, en une seule veillée. Tant est magistrale l’écriture lumineuse et souple qui cherche - et réussit souvent - à effleurer l’essentielle tragédie humaine : celle d’une longue et douce agonie, d’une marche vers la fin, entamée dès les premiers jours de l’existence...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Ah Dolce Agonia! Votre post m'a rappellée un vif souvenir de lecture...

Comment ne pas fermer les yeux, après avoir fermer le livre, ce livre qui perçoit la condition humaine sous un angle inédit : l'introspection. Ces moments où on se parle à soi-même, ces moments-là nous sont transmis à chaque page: on fait le tour d'une table de convives liés par l'amitié ou le désir.Les personnages sont riches de réel, nous les aimons ou les haïssons au fur et à mesure de notre lecture. Puis,nous nous retournons sur nous-mêmes, fatalement. Bref, un portrait sur la vie et les moyens que l'on use pour y échapper un peu.

Anonyme a dit...

Moi, je trouve ce roman de Nancy Huston pessimiste, en montrant une vision de la vie noire et sans espoir. L'auteur nous avait habitué à des images dures et sans détour, disant les choses brutalement, sans enrobage mais ici, c'est presque de la provocation. Aucun personnage n'est attachant, leur mort est le plus souvent très angoissante et horrible et on se demande ce qu'elle a voulu démontrer ici. Elle ne fait même pas preuve de sa finesse psychologique habituelle.

En résumé, ce roman est décevant par rapport à « Instrument des ténèbres » ou « la virevolte »