dimanche, août 27, 2006

Mes romans du XXe siècle: #4 L'Étranger d'Albert Camus

Mon 4e billet de ma série de 25 textes relatant ma relation avec 25 romans du XXe siècle portera cette fois-ci sur un court roman énigmatique d'Albert Camus, "L'Étranger".

Il s'agit d'un roman au registre très différent de mes trois précédents billets de cette série (soient Isaac Asimov , Victor-Lévy Beaulieu et Italo Calvino )

#4 La simplicité d'Albert Camus (et de George W. Bush...)

Je viens tout juste de terminer ma relecture de L'Étranger pour les fins de mon blogue après 20 ans de décalage avec ma première lecture.

Je ne me souvenais pas à quel point Camus s'est servi d'une écriture d'une grande simplicité, relativement agréable à lire pour ce texte qui ne fait pas 120 pages. On suit avec des mots de tous les jours la vie dramatique d'un français à Alger à la fin des années 30. On est toutefois rapidement inconfortable devant le rapport à la vie et à son entourage du personnage principal Meursault. À première vue, un court roman simple et bizarre.

Modeste employé de bureau à Alger, le narrateur, Meursault, décrit sa perception du réel et des événements. Tout d'abord indifférent à la mort de sa mère, il raconte les journées successives de travail et de plages avec des connaissances (Marie, son amie, et deux de ses voisins Salamano et Raymond Sintès). Ce dernier a plusieurs altercations avec des Arabes. Mersault rencontre l'un d'eux sur la plage et le tue. Désormais en prison, il ne manifeste aucun sentiment ni regret. Condamné à la peine capitale, il se révolte contre l'arbitraire judiciaire et souhaite "qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de son exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine".

Alors pourquoi ce roman écrit il y a plus de 60 ans, a-t-il toujours autant de retentissement dans le monde d'aujourd'hui?

Même le président américain George W. Bush, peu connu pour son goût pour les intellectuels, français de surcroît, a profité de ses vacances de l'été 2006 dans son ranch de Crawford (Texas) pour lire, en anglais, le roman d'Albert Camus "L'Étranger". Cette nouvelle a laissé toute la presse américaine pantoise...
La célèbre chroniqueuse du New York Times, Maureen Dowd écrivait en plein coeur de l'été dernier que Meursault "prend beaucoup de mauvaises décisions et tue préventivement un Arabe dans le sable. Il évolue dans un monde opaque, obscur et violent qui est indifférent à ses croyances et à ses désirs. S’il devait y avoir une confirmation du sens qu’avait Camus de l’absurdité de la vie, c’est que le Président le lise."

Comment George Bush peut-il en effet se retrouver dans les mots qu'écrivait Camus en 1955, dans la préface de l'édition américaine de cette oeuvre majeure sur l'absurde: Le narrateur "Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée (...) Loin d'être privé de toute sensibilité, une passion profonde, parce que tenace, l'anime, la passion de l'absolu et de la vérité (...) On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant dans l'Étranger l'histoire d'un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité".

Albert Camus (1957)

Dans cette préface à l'édition américaine, Camus reprend le thème du Mythe de Sisyphe sur lequel j'ai déjà écrit qui me semble, en effet, loin de l'idéologie de la droite américaine!

Contre toute attente et dès la fin de la 2e guerre mondiale, le roman enflamme les jeunes lecteurs et vaut à Camus d'accéder à une notoriété qui ne cessera de croître. À ceux qui sont choqués de l'indifférence du personnage Meursault (meurtre-soleil), l'auteur explique que "le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société".

Dans une entrevue au début des années 50 où on lui demande quel est le futur de la littérature française, Jean-Paul Sartre répond que le prochain grand auteur à venir est Camus. Il ne se trompait pas:

- Le prix Nobel de la littérature lui est décerné le 17 octobre 1957 "pour l'ensemble d'une oeuvre qui met en lumières les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes";
- En 2005, on avait vendu plus de 7 millions d'exemplaires de L'Étranger en français seulement;
- L'Étranger est traduit dans plus de 40 langues;
- Au cours de l'été 2006, L'Étranger s'est retrouvé sur la liste des "best sellers" aux États-Unis (merci M. Bush!).

En fait en relisant L'Étranger, j'ai un peu mieux compris le sentiment de celui qui ne suit pas la voie royale de la vie. Dans le monde d'aujourd'hui, cela est de plus en plus courant...

8 commentaires:

Anonyme a dit...

je suis partagée entre deux sentiments face à ce classique de la littérature: je l'ai trouvé génial et dérangeant. Vous découvrez un personnage atypique. Vous avez envie de le secouer car vous ne comprenez pas sa logique. il vous sort de votre quotidien, de la pensée collective. C'est écrit d'une manière qui rend sa logique presque "normale".

"L'Étranger" est à lire pour pouvoir sentir ce qu'est ce sentiment d'étrangeté au delà de toutes différences ethniques, culturelles, ... ce livre nous renvoie à la différence entre chaque homme tout critère confondu.

Anonyme a dit...

L'Étranger, le mythe de Sisyphe, J'apprécie beaucoup les choix de l'ancien et du moderne et son angle d'attaque.

Camus décline l'absurde situation de l'homme. Avec un talent et une qualité d'écriture unique, il dénonce (oui il DENONCE) l'absurde situation de l'homme, d'un homme, qui n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère et à qui cela va coûter la vie. Le hasard, le destin, l'absurde. Voila ce qui mène une vie. La vie de tout le monde et de personne. Un homme qui marche, qui vit sa vie, qui aime une femme, et qui, à cause d'un reflet de soleil tue un homme. Il mourra comme il a vécu, étranger a lui même, sans foi en lui, sans but pour lui.

L'auteur dénonce les peine de mort, contre laquelle il s'est battu. Il dénonce aussi la situation en Algérie: Si Meursault avait été croyant et qu'il avait été un peu plus émotif et collaborant, le juge l'aurait sans doute jugé moins sévèrement.

Mais il est comme il est, il se moque de ce qui lui arrive. IL a vu à quoi tenait sa vie, quel en était le sens, ou plutôt le non sens.

Du grand Camus.

Anonyme a dit...

Je rêve où deviez commenter "La Peste" et non "L'Étranger"?

Anonyme a dit...

"il n'y a qu'un luxe.......et c'est celui des relations humaines...visages tendus , fraternité menacées , amitiés fortes et si pudiques ,ce sont les vraies richesses puisqu'elles sont périssables "

A. Camus.

Le lecteur de romans russes a dit...

J'ai des lecteurs perspicaces! Effectivement, j'avais initialement prévu de lire "La Peste" mais devant la remise en avant-plan de L'Étranger (lu par le président américain l'été dernier), j'ai changé de roman pour Camus...

Anonyme a dit...

C'est dommage pour "La Peste", roman très différent de "L'étranger" qui exprime mieux la complexité romanesque de Camus...

Anonyme a dit...

La chute est aussi un excellent roman de Camus. Camus est l'auteur que j'adore le plus. Certains pourraient même dire que je le vénère. Mais n'exagérons pas!

Je crois simplement que c'est le romancier qui a le mieux décrit (ou peut-être la vision du monde qui m'interpelle le plus) l'absurdité de la vie humaine. Qu'est-ce que l'absurde? Camus disait que l'absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde.

En tout cas, l'oeuvre de camus est toujours très contemporaine!

Anonyme a dit...

Il y a plusieurs façon de perçevoir l'étranger.

Si j'ai apprécier le livre, c'est probablement car je pense un peu comme lui...

Malgrer que je ne comprends pas tout les thèmes référé dans le livre je crois que les gens en générale accordent beaucoup trop d'importance a des trucs innutiles, ce qui amene le stresse ,la gène l'inconfort et le besoin de rejoindre la norme.

Bref j'ai envie de lire tout les autres oeuvre de camus concernant l'absurde et j'ai adoré celui-ci.

David Renaud
Davidovo@hotmail.com