dimanche, mai 07, 2006

Mes romans du XXe siècle: #2 Victor-Lévy Beaulieu

Voici mon 2e billet de ma série de 25 textes relatant ma relation avec 25 romans du XXe siècle; cette fois-ci avec un auteur québécois:

#2 La passion selon Victor-Lévy Beaulieu

J'ai rencontré Victor-Lévy Beaulieu avec la lecture de son essai « Entre la sainteté et le terrorisme » publié chez VLB Éditeur en 1984. Au fil des 492 pages de ce livre-essai, Victor-Lévy Beaulieu abordait sa grande quête littéraire où la démesure transpirait à grandes gouttes.

Sa prose et cette passion littéraire m'ont aspirées à l'époque vers l'univers de VLB. Je commençais une maîtrise en économétrie après mon Bacc. à l'UQAM mais tout cela ne m'inspirait guère. Je sortais d'une relation difficile...le contexte était bon et je cherchais un exutoire. Ce fût VLB. Quand j'écris aspiré, c'est bien aspiré. Après avoir lu « Entre la sainteté et le terrorisme » , j'ai abandonné ma scolarité et j'ai lu tous ces romans, essais, écrits en séquence, sans arrêt, presque jours et nuits, de la première oeuvre publiée (Mémoire d'Outre-tonneau) à la plus récente. Pendant trois mois, je n'ai rien fait d'autres que de me baigner dans l'univers de Victor-Lévy Beaulieu.

Et VLB en a écrit des livres. En 1985, il y en avait déjà une trentaine et maintenant plus de 60. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il dans une entrevue récente, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière.

Aujourd'hui on parle d'une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision comme Race de monde et L'Héritage, et des téléromans comme Montréal P.Q. et Bouscotte. En 40 ans, Victor-Lévy Beaulieu a construit une œuvre imposante, qui touche à tous les genres et qui est, tant par son imaginaire que par sa langue, l'une des plus importantes de notre littérature. Une œuvre profondément liée à l'évolution culturelle du Québec des dernières décennies.

Cette exploration passe d'abord et avant tout par le langage. Écrire pour lui, c'est aller plus loin que le langage courant, c'est construire. « Dans l'écriture, il y a la vision des choses, le regard, la critique. » Puis, citant Jean-Paul Sartre, il parle de l'écriture comme du matériau total. Dans une œuvre, tout est déterminé par l'écriture, par le langage. Ce n'est pas tant pour l'histoire qu'elle racontait, que pour le défi que représentait sa construction empruntée à celle de l'opéra et ses dialogues inspirés de l'alexandrin, que Montréal P.Q. demeure aujourd'hui encore, de toutes ses œuvres télévisuelles, la préférée de son auteur.

Mais mon plus grand plaisir de lecteur demeure ses essais littéraires. J'ai lu Hugo, Tolstoï, Kerouac, Melville et Ferron après avoir lu les essais de VLB sur ces auteurs. Les essais de VLB sont réellement originaux et reflète l'inassouvissable curiosité de l'écrivain, de son étonnante mémoire, de son ouverture et de son originalité. Lorsqu'il entreprend de visiter une œuvre, il lit tout, absolument tout, et plusieurs fois. Il ne prend aucune note ; l'écriture se fera de mémoire. Cette démarche s'inscrit en réaction à ces critiques qui opèrent « à partir de grilles d'analyse et qui écrivent comme s'ils n'avaient jamais eu de rapports véritables avec les auteurs dont ils parlent, comme s'ils faisaient de la vivisection ». Et la forme peut tout aussi bien mêler le récit autobiographique, la biographie, le journal intime, l'essai et la fiction. Réinvention du genre littéraire, selon Gaston Miron. Invention de la critique, selon Louis Hamelin. Pour les deux, les trois tomes de Monsieur Melville sont à ce titre exemplaires et tiennent du chef-d'œuvre. Je partage totalement leurs opinions!

Ma rencontre avec VLB a été une passion pour la passion. C'est un être de démesure malheureusement très peu lu (en moyenne 3 à 5 000 copies vendues par oeuvres - si on exclut les cycles de téléromans). J'ai fait bien sûr d'autres rencontres avec des auteurs québécois après VLB (Ferron, Poulin, Lalonde, Gabrielle Roy, Michel Tremblay, Francine Noël, Réjean Ducharme, etc) mais c'est le seul auteur québécois qui s'est imposé sans hésitation pour mon TOP 25.

Je lis beaucoup moins VLB maintenant, son retour à Trois Pistoles et son discours régionaliste m'interpellant peu. J'ai perdu la passion pour VLB. Elle est allée vers d'autres auteurs et j'ai bien peur que mon billet en souffre...Mais ses essais littéraires sont, selon moi, des oeuvres majeures qui mériteraient d'être inscrites dans n'importe quel TOP 25 de lecteurs occidentaux.

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Petite interrogation: pourquoi nous avoir recommandé la lecture de Race de monde si vous faites l'éloge des essais de VLB ??? Car je dois bien humblement avouer que la lecture de Race de monde ne m'a pas fait vibrer ! Je dois toutefois admettre que cette oeuvre est d'une contemporainité extraordinaire... et je ne fais pas allusion à la série télévisée qui en a été tiré - je suis trop jeune pour l'avoir vu - mais bien au texte de ce roman qui raconte le parcours d'un adolescent rebel. Preuve que l'évolution humaine peut importe son contexte à aussi ses passages obligés. De VLB, je connaissais l'oeuvre télévisuelle: Bouscotte et j'ai entendu parler de l'Héritage... maintenant la curiosité de ses essais me pique ! Question: si je devais n'en choisir qu'un seul, lequel me recommanderiez-vous ??? Car je n'aspire pas à lire la totalité de son oeuvre !

Le lecteur de romans russes a dit...

Merci de me rappeller à l'ordre. En préparant mes textes pour mon blogue, il m'arrive de divaguer. Race de Monde est le meilleur roman de VLB pour bien comprendre l'univers romanesque de VLB dans sa période "Montréal" qu'il appellait "Montréal-Mort" puisque l'action se déroule à Montréal-Nord.

Un essai de VLB? Plusieurs nous propulsent vers une lecture exaltante, mais celui sur Melville est vraiment extraordinaire. J'ai lu par la suite Moby Dick et j'ai préféré l'essai de VLB...

Anonyme a dit...

Bonjour ! Un peu déçue par Race de Monde, j'ai eu envie de donner une 2e chance à VLB. J'ai donc emprunté à la bibliothèque Je m'ennuie de Michèle Viroly. Le titre m'inspirait... j'y attachais un certain romantisme, une certaine poésie... Après une dizaine de mots, l'enchantement était passé; mes yeux ont décodé le "nuitte" et un doute s'est emparé de mon esprit: vais-je vraiment lire ce roman ? J'ai pris une grande respiration et j'ai recommencé ma lecture, plus lentement à un débit semblable à celui que j'aurais utilisé si j'avais lu le roman à voix haute. La musicalité de l'écriture de VLB a ainsi pris le dessus et j'ai pu poursuivre ma lecture... la poésie à travers la dureté du mot avait pris tout son sens... Le propos d'une actualité désarmante m'a fait sourire à quelques reprises - dont le sieur dagobert gilet !!! Toutefois, je n'ai pu m'empêcher de me demander qui dans 10 ans reconnaîtrait ses allusions... La référence à gilles carle (p.22) était toutefois des plus touchantes: ni même gilles carle que la caméra lui tient plus dans les mains de toute façon, pour cause qu'un dénommé parkinson, spectateur très mécontent, lui est sauté dessus et le secoue depuis comme un prunier poussant à tout vent en bordure salante de fleuve... Il doit certainement y avoir une profondeur que je ne saisi pas à l'oeuvre de VLB... je m'ennuie... Quelques clins d'oeil intéressants mais rien pour motiver la poursuite de la lecture... je me demande si je finirai: où est Voltaire ? Je veux voir Candide ! (Référence à la présentation du livre). Je me sens coupable... 60e ouvrage... p. 78: je n'en peux plus. Je m'arrête. (conclusion en référence au style de l'auteur): Je ne peux m'en péché de pensée que je suis heureuse d'avoir emprunt T ce rot ment à la bible io tk !

Le lecteur de romans russes a dit...

Je vous comprends! L'oeuvre récente de VLB a pris une drôle de tournure. Comme si le fait de ranger son projet d'écrire LE Grand Livre du Québec (La Grande Tribu) l'amenait a essayer de réinventer l'écriture plutôt que de chercher une histoire à raconter.

Les essais sur de grands personnages littéraires sont de loin les meilleurs livres de VLB

Anonyme a dit...

Je crois que vos lecteurs ont hâte à votre texte d'Italo Calvino...