vendredi, avril 06, 2007

Un vendredi saint à Montréal

Ma lecture du "James Joyce" de Victor-Lévy Beaulieu est fastidieuse en ce vendredi saint. VLB a écrit un grand livre sur un grand écrivain, sans l'ombre d'un doute, avec des phrases magnifiques comme je les aime pleine d'ambitions et de perplexité.

Mais les livres de VLB (comme ceux de J. Joyce) sont aussi remplis de religion catholique, d'images religieuses, de Christ crucifié, de Jésus de plâtre, d'encens et de lampions. Tordus entre leurs démons et la vertu. Cela me rappelle un peu trop mes grand-mères et ma toute petite enfance.

J'ai besoin de prendre l'air. Je quitte VLB à la 327e page (sur 1100!!) pour aller me promener sur le Plateau. C'est un après-midi gris et venteux à Montréal. L'avenue Mont-Royal est pleine de monde en ce jour de pseudo congé pascal.

Tous les magasins sont ouverts comme si de rien n'était et effectivement je ne sens aucune spiritualité nulle part. Certaines personnes traînent en se promenant ou en faisant leurs emplettes alors que d'autres se pressent.

Je me rends compte que je cherche le recueillement, mais dans cette masse incongrue, je me trouve plutôt à Babel. J'essaie d'accélérer le pas.

Je m'arrête au coin de Berri et Mont-Royal pour regarder passer une longue procession de catholiques dans le cadre de la marche du pardon. Foule vraiment bigarrée de pauvres bougres qui passent devant moi, croix à la main.

Avec mon VLB dans la tête, je suis aux antipodes de tout état de grâce. Je ne sais pas trop pourquoi, j'arrête au Sanctuaire du Saint-Sacrement tout juste à côté, sur l'avenue Mont-Royal. Je rentre pendant la prière silencieuse.

Je ne vais jamais à la messe donc je ne connais pas cette formule: pas de messe ni cérémonie, juste des passants qui rentrent 10-15-20 minutes pour se recueillir et ressortent. Je m'assois et observe cette grande église avec sa centaine de personnes solitaires qui y prient (ou se reposent) pendant un court moment. Je suis intrigué par cette congrégation monastique de Jérusalem installée en plein coeur de Montréal.

Je regarde sans regarder en tentant de m'enlever les démons de mes auteurs fétiches. Ne penser à rien. J'arrive en une quinzaine de minutes à extraire toutes images de ma tête.

En sortant, je suis abordé par la Soeur hospitalière (je crois) qui me demande si je vais bien avec un grand sourire religieux comme dans les films de Fernandel. Je lui ai dit que ma petite pause au Sanctuaire m'avait fait du bien mais que l'esprit du Vendredi saint à Montréal avait laissé place à l'indifférence et au commerce. Nullement étonnée, elle me dit ceci: «C'était probablement comme ça au temps de Jésus. Le temps devait être aussi gris et la foule devait être aussi désordonnée et affairée à Jérusalem. Personne ne chantait de chants religieux avec recueillement dans la rue...Votre expérience est proche de la réalité que Jésus a lui-même vécue. Le saviez-vous?»

Non je ne le savais pas... Je la remercie et je laisse derrière moi, j'en suis certain, la bonté incarnée. Je retourne dans mon monde en ne comprenant toujours pas ce que cette gentille Soeur voulait bien me dire et surtout pourquoi.

1 commentaire:

La Franglaise a dit...

Quelle belle anecdote...

Mon âme de critique littéraire me crie tout plein d'interprétations aux paroles de la bonne soeur, mais je vais m'abstenir. Dans des cas comme ça, c'est mieux d'en venir à une conclusion soi-même, et de la garder dans son coeur :)