mardi, février 27, 2007

Les médias, la démocratie et le Sénégal

Robert MENARD, secrétaire général de Reporters sans Frontières : "La couverture des médias publics au Sénégal a été déséquilibrée"

"On ne peut pas accepter que plus de 99 % des sujets qu'on diffuse pendant les journaux, à la radio ou à la télévision, pendant les trois semaines, ne concernent uniquement que les ministres, les inaugurations et tout ce qui suit. Au fond, on fait le jeu du candidat sortant".

Ce constat est du secrétaire général de Reporters sans frontières, Robert Menard qui était hier face à la presse à Dakar, pour faire l'état des lieux de leur observation sur la couverture de la campagne et du scrutin par les médias d'Etat. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il note des impairs dans cette couverture "en faveur de M. Wade". Ce qui laisse entrevoir des failles quant au rôle véritable que doit jouer la presse. Notamment au service du public et non de l'Etat.

Toutefois, Robert Menard, constate que les choses se passent mieux au Sénégal.

Wal Fadjri : Quelle lecture faites-vous de la couverture des élections aussi bien par les médias publics que privés.

Robert Menard : Notre travail concerne les médias publics : radios, télévisions, journaux, etc. Et il ne s'agit pas de donner de bons ou de mauvais points aux uns et aux autres. Mais le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (Cnra), en s'appuyant sur le travail de Reporters sans frontières et de nos amis du Centre d'études des sciences et technique de l'information (Cesti), auraient dû, au fur et à mesure de la campagne, interpeller pour améliorer les choses.

Wal Fadjri : Quelles conclusions tirez-vous finalement de votre observation de la campagne et du scrutin ?

Robert Menard : Je ne tirerai pas de conclusions. Je dirai tout simplement que, pour que des élections soient parfaites, qu'elles soient le plus démocratique possible, la couverture des médias publics est importante : la qualité de la couverture et l'équité de cette couverture. En ce qui concerne la radio et la télévision, on a eu une couverture de l'actualité générale politique déséquilibrée en faveur de M. Wade et surtout de son gouvernement, de ses ministres et de ses proches. C'est préjudiciable à la bonne qualité des élections. En même temps, je ne suis pas dupe, en ce qui concerne les journaux privés, ils sont largement plus que favorables à l'opposition. Et en ce qui concerne les radios, il n'y a pas que la radio publique. Il y a plein de radios privées qui, pour certaines, sont très proches de l'opposition. Ce que je vous dis là, c'est ce qui concerne les médias publics. Mais on peut partir en même temps sur le fait que les médias privés sont, eux, acquis largement à l'opposition. Cependant, en ce qui concerne la télévision, non. La télévision, elle, est publique. En ce qui concerne, en outre, la couverture sur tout le registre global de l'actualité pendant ces trois semaines, c'est une couverture qui n'est pas correcte. On ne peut pas accepter que plus de 99 % des sujets qu'on diffuse pendant les journaux à la radio ou à la télévision, pendant les trois semaines, ne concernent que les ministres, les inaugurations, et tout ce qui suit. Au fond, c'est le jeu du candidat sortant.

Wal Fadjri : Y a-t-il une avancée démocratique au Sénégal, par rapport à ce que vous avez observé durant cette période de campagne électorale et de vote ?
Robert Menard : Bien sûr, la situation au Sénégal, c'est celle d'un Etat démocratique. Il y a une pluralité de l'information. Il y a des médias, public et privé. Il y a une vingtaine de quotidiens, des dizaines de radios, plusieurs chaînes de télévision. Les choses ont avancé de ce côté. Entre ce qui se passe aujourd'hui et ce qui se passait il y a vingt ans, c'est sans commune mesure. Il reste que les médias publics se comportent trop comme des médias de l'Etat au service des gens qui sont à la tête de l'Etat. C'est cela qui est regrettable et qu'il faut corriger. Et cela peut être corrigé. Il faut prendre une certain nombre de mesures. Il faut que dans les médias publics, les journalistes, les directeurs de rédaction se comportent comme des journalistes de service public, qui sont au service du public et non, au service de tel ou tel personne.

Wal Fadjri : Comment appréciez-vous le déroulement de ces élections au Sénégal par rapport à ce qui se passe ailleurs ?
Robert Menard : Les choses se passent mieux au Sénégal. Cela reste quand même une vitrine de la démocratie par rapport à d'autres pays. Mais dans le dernier classement de Reporters sans frontières, il y a des pays africains qui étaient mieux classés que le Sénégal : le Ghana, le Bénin ou le Mali. Toutefois, il est aussi vrai que ces pays, comme le Sénégal, aujourd'hui, restent dans le haut du classement. Ils sont un modèle pour le reste de l'Afrique. Et, c'est justement, parce que le Sénégal est un modèle, qu'il faut qu'il soit irréprochable. Il faut que ses médias publics se comportent de façon irréprochable. Cela n'a pas été le cas pendant cette campagne.

Source: Seneweb

Aucun commentaire: