jeudi, juin 08, 2006

Poème de Victor Hugo

Plusieurs lecteurs m'ont écrit pour me parler du poème de Victor Hugo que j'ai posté dans une réponse à des commentaires d'un billet précédent. Il s'agit d'un texte dédié à Juliette Drouen, qui fût la maîtresse d'Hugo pendant plus de 30 ans. On me dit que ce texte mérite meilleure place. Voilà, je le reproduis ici à nouveau:

Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine,
Puisque j'ai dans tes main posé mon front pâli,
Puisque j'ai respiré parfois ta douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli,

Puisqu'il me fût donnée de t'entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux,
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux...

Je puis maintenant dire aux rapides années:
"Passez! Passez toujours! Je n'ai plus à vieillir!
Allez-vous en, avec vos fleurs toutes fanées;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir.

"Votre aile, en le heurtant, ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre!
Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli!"

Victor Hugo 1837
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Source: Victor Hugo, biographie de Alain Decaux (1984), p.506-507 . Effectivement, j'ai retranscris le texte de ce livre. Je ne l'ai jamais trouvé sur le net. Victor Hugo a produit l'équivalent de 20 000 pages manuscrites, on en retrouvent qu'une petite partie sur internet.

NB Pour ceux qui connaissent Pablo Neruda (poète chilien du 20e s.), on peut remarquer par ce texte d'Hugo, l'influence évidente sur l'écriture de Neruda

NNB Je vous rappelle toute l'admiration que j'ai pour Victor Hugo. je vous invite à relire un de mes billets sur le sujet: http://ancienetmoderne.blogspot.com/2006/01/victor-hugo-les-misrables-et-mon.html

2 commentaires:

Raphaël Zacharie de Izarra a dit...

Un texte peu connu de Victor Hugo

L'HALEINE SOLAIRE

Je déteste le soleil épais, pesant, éblouissant des beaux jours.

Les pluies en mai m'enchantent, étrangement. Un ciel couvert de nuages peut réveiller en moi les ardeurs les plus molles mais les plus authentiques. La vie, la vie poétique, cotonneuse, indolente, je la sens sous l'onde de mai, qu'elle prenne la forme de crachin tiède ou de grand voile humide. Mes humeurs s'affolent avec une exquise lenteur lorsque entrent en scène les particules d'eau qui virevoltent dans les airs, s'immiscent sur les toits, humectent les feuilles. Sur la ville la pluie vernale apporte une fraîcheur aqueuse pleine de l'odeur des champs. L'atmosphère est ralentie, trouble, chargée de réminiscences.

J'aime ne voir au-dessus de ma tête qu'un immense manteau d'une blancheur uniforme.

En juin le ciel entièrement couvert me donne une sensation d'éternité, de profondeur, mais aussi d'infinie légèreté. Les aubes de juin sans soleil me ravissent. A la lumière crue et directe de l'été je préfère la clarté douce et diffuse que filtre une barrière de brumes blanches.

En juillet je n'espère que l'éclat nivéen d'une lumière d'avril. Certains jours du mois estival la nue ne laisse passer aucun rayon, alors les champs de blé deviennent pâles comme si la Terre était devenue la Lune.

Août, je le préfère sous un vent doux et serein plutôt qu'embrasé par des tempêtes de lumière. Là, le monde m'apparaît sous son vrai jour : sans les artifices et superficialités communément inspirés par l'astre.

L'alchimie nuageuse provoque en moi un mystère de bien-être qui m'emporte loin en direction des espaces nébuleux, haut vers l'écume céleste.

Entre genèse des étoiles et éveil du bourgeon.

VICTOR HUGO

Raphaël Zacharie de Izarra a dit...

Un texte peu connu de Victor Hugo

L'HALEINE SOLAIRE

Je déteste le soleil épais, pesant, éblouissant des beaux jours.

Les pluies en mai m'enchantent, étrangement. Un ciel couvert de nuages peut réveiller en moi les ardeurs les plus molles mais les plus authentiques. La vie, la vie poétique, cotonneuse, indolente, je la sens sous l'onde de mai, qu'elle prenne la forme de crachin tiède ou de grand voile humide. Mes humeurs s'affolent avec une exquise lenteur lorsque entrent en scène les particules d'eau qui virevoltent dans les airs, s'immiscent sur les toits, humectent les feuilles. Sur la ville la pluie vernale apporte une fraîcheur aqueuse pleine de l'odeur des champs. L'atmosphère est ralentie, trouble, chargée de réminiscences.

J'aime ne voir au-dessus de ma tête qu'un immense manteau d'une blancheur uniforme.

En juin le ciel entièrement couvert me donne une sensation d'éternité, de profondeur, mais aussi d'infinie légèreté. Les aubes de juin sans soleil me ravissent. A la lumière crue et directe de l'été je préfère la clarté douce et diffuse que filtre une barrière de brumes blanches.

En juillet je n'espère que l'éclat nivéen d'une lumière d'avril. Certains jours du mois estival la nue ne laisse passer aucun rayon, alors les champs de blé deviennent pâles comme si la Terre était devenue la Lune.

Août, je le préfère sous un vent doux et serein plutôt qu'embrasé par des tempêtes de lumière. Là, le monde m'apparaît sous son vrai jour : sans les artifices et superficialités communément inspirés par l'astre.

L'alchimie nuageuse provoque en moi un mystère de bien-être qui m'emporte loin en direction des espaces nébuleux, haut vers l'écume céleste.

Entre genèse des étoiles et éveil du bourgeon.

VICTOR HUGO