samedi, juin 17, 2006

Que faire de nos vies (2e partie)

Suite de mon texte du 11 juin 2006 qui se terminait ainsi:

On ne peut plus tout savoir comme à la Renaissance, l'art actuel va dans des milliers de directions, on a perdu l'illusion de pouvoir changer le monde, Dieu serait mort selon plusieurs,...il ne reste que nous comme individu??? et pour quel destin??...alors que faire?
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Cher fiston,

Le thème du sens de vie n'est simple mais est fascinant. Tout le monde se pose la question un jour ou l'autre. On peut trouver des enseignements dans nos vies personnelles. Mais qu'est-ce qu'une vie dans le tourbillon des siècles? Tu me connais. Je préfère l'enseignement des centaines de philosophes qui étudient la question depuis 25 siècles... Allons-y!

Albert Camus affirme au début du Mythe de Sisyphe qu'il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux, celui de savoir si la vie peut avoir un sens.

Si la question du sens de la vie est tragique, c'est que la question est beaucoup plus évidente que la réponse.

Le réflexe de tous, selon nos prédispositions et la manière que chacun désire anesthésier l'angoisse de l'existence, est souvent de trouver réponse soit dans la religion (la vie n'a de sens que la perspective de l'au-delà), dans l'humanisme (oeuvrons à l'avancement de la culture et/ou de l'Homme) ou dans un esprit vaguement hédonistes (style: jouissons de la vie, il n'y en a qu'une).

Selon Jean Grondin, pour la philosophie, seule la voie de Socrate est ouverte: celle de la connaissance de soi ou du dialogue intérieur. Mais en rapellant bien que la philosophie du sens de la vie ne peut pas être une philosophie du bonheur.

La vie peut être un printemps. Mais elle peut aussi être effroyablement sibérienne. La cruauté de la vie n'a pas à être rappelée. Pour les philosophes du sens de la vie, le bonheur a quelques choses d'exceptionnel, de gratuit, de forfuit, il ne peut être produit, aménagé, assuré, il peut au plus être espéré, et surtout pour les autres.

Raymond Aron a raison d'écrire qu'on ne vit pas sur commande des moments parfaits (dans ses Mémoires (1983), un livre qui m'a d'ailleurs fortement marqué)

En fait, le bonheur est toujours celui des autres, car nous sommes effectivement à même de les rendre moins malheureux. Kant a dit avec justesse que si nous ne pouvons viser notre propre bonheur, nous pouvons toutefois nous rendre "digne d'être heureux" en visant justement le bonheur d'autrui. Cette notion du Bien a été cristalisée par Platon et repris par la plupart des religions.

L'idée de Jean Grondin (professeur de philosophie à l'Université de Montréal), assez fulgurante, est la suivante:

"Si j'avais à répondre à la question du sens de la vie, sans y aller par quatre chemins, j'aimerais dire que le sens de notre vie est de vivre comme si notre vie devait être jugée. "

Platon était convaincu que la vie n'a que de sens que si elle se sait confrontée à un tel jugement, à un examen, qui est aussi et surtout un examen de soi par soi.

J'imagine avec sourire un tribunal composé d'êtres de grande bonté...qui jugerait de ma vie, errements, gestes égoïstes et fragilités...oups! Y a-t-il une note de passage? Est-ce que ma mère pourrait être mise à contribution? Pas évident indeed!!!

Toutefois la vie humaine doit s'accomoder d'un sens qui ne sera jamais une assurance, mais qui peut contribuer à faire de nous des êtres meilleurs, voués au Bien, en commençant pas celui des autres.

La vie qui a du sens--en latin, on dirait la vie qui sapit, qui a de la saveur--est la vie qui s'engage dans un sens qui la dépasse. Cette vie qui a saveur de sens est peut-être le plus exaltant espoir de l'homo sapiens (toujours selon Grondin).

Bien-sûr tout cela sans trop s'oublier, en demeurant un être signifiant et original...

Voilà fiston, où j'en suis rendu...le bonheur est dans la bonté!

En attendant d'y arriver, j'irai prendre un petit verre (ou 2) pour réfléchir à la chose... mon tribunal saura bien attendre...

Source principale: Jean Grondin. Du sens de la vie. Bellarmin. 2003

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Le sens de la vie apapraît quand on arrive à réunir tous les fils de la vie qu'on a tissée pour n'en faire qu'un.

Anonyme a dit...

Belle synthèse. En très peu de mots, vous avez réussi à me faire réfléchir de façon très intense sur ma vie.

Merci