dimanche, mars 11, 2007

L'ambition de Neige

La chose la plus difficile en littérature m'apparaît être de réintroduire dans les nouveaux textes les grands thèmes fédérateurs romantiques. Qui peut encore aujourd'hui écrire un poème sur un lac après Lamartine, un texte sur le temps qui passe après Proust ou des poèmes sur la mélancolie après Baudelaire et Nelligan?

Alors, que le turc Orhan Pamuk, prix Nobel 2006 de la littérature, publie un nouveau roman intitulé "Neige" est d'une terrible ambition.

Ça doit bien faire 6 mois que je me promets de lire ce "Neige" et je profite de mon voyage en Europe pour le faire. En lisant ce roman, je pensais sans arrêt à Albert Cohen et à sa Belle du Seigneur; c'est tout dire! À cause de la beauté de l'écriture bien-sûr, aussi pour le drame inéluctable que l'on voit venir, mais surtout parce que l'on retrouve l'auteur Pamuk dans le roman comme narrateur de l'action. Encore mieux, il y a les mêmes petites longueurs à la fin du roman comme dans la "Belle du Seigneur"!!

En fait, "Neige" est un roman surprenant, d'une écriture efficace, belle et fluide qui joue sur plusieurs registres: la poésie, la vie endormie, la pauvreté annihilante, le rapport difficile occident/islam, l'amour impossible, la politique et le romantisme de Tourgueniev. Orhan Pamuk, en plus de se planter lui-même dans son roman à la Albert Cohen, joue donc très habillement avec un ton poétique et nostalgique qui m'a séduit avec des sujets d'ordre politique très contemporains – comme l'identité de la société turque et la nature du fanatisme religieux. Neige, ce sont tous les tourments de la Turquie actuelle, tous ses drames concentrés dans un roman aux allures de fable politique.

Et bien-sûr de la neige partout, tous le temps, à presque chaque page comme un élément omniprésent du décor de cette petite ville d'Anatolie turque (Kars) où se déroule l'action.

Et vous savez ce qui est enivrant avec l'ambition? C'est quand on y arrive. Orhan Pamuk doit être content de lui...

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