samedi, mars 24, 2007

Les plaisirs littéraires de l’abbé Mugnier

Un de mes livres favoris est le "Journal de l’abbé Mugnier" (1879-1939). Parce qu'il m'apporte évasion et réconfort. J'ai toujours aimé les belles histoires fascinantes de mondes disparus; surtout celles d'univers littéraires.

Pendant 60 ans (1879 à 1939), l’abbé Mugnier a tenu un journal de vie sacerdotale et mondaine de celui qu’on a pu appeler le «confesseur des duchesses». Dans les salons parisiens les plus huppés, l’abbé Mugnier offrait pourtant l’aspect déconcertant d’un curé de campagne. Il s’était imposé par les qualités les moins faites pour réussir dans un tel univers : la modestie, la sensibilité et la fraîcheur d’âme.

Cette traversée nostalgique et imprégnée de Chateaubriand me touche beaucoup. Ghislain de Diesbach signale à ce propos que «ceux parmi lesquels il se sent le plus à l’aise, ce sont les écrivains, et son Dieu, c’est Chateaubriand, dont les Mémoires sont devenus son bréviaire.»

Donc lecture plus qu'agréable où l'on découvre Maurice Barrès, J-K. Huysmans, Paul Claudel, François Mauriac et beaucoup d’intellectuels peu connus de la mouvance catholique de cette époque. Mais il se lie aussi avec Anatole France, Marcel Proust, Paul Valéry, Jean Cocteau, Pablo Picasso et autres.

Extrait du Journal de l'abbé Mugnier 22 mai 1885 : "Victor Hugo est mort. Hier l’archevêque de Paris avait écrit à Madame Lockroy, une lettre digne, que j’eusse voulue plus belle encore. J’ai appris cette fin du grand poète, en sortant de la rue Bouret où m’appelait mon oeuvre de Belleville. On criait dans les rues la mort de Victor Hugo, comme j’ai entendu crier la mort de Gambetta et du comte de Chambord. Ainsi va le monde. Maintenant Hugo sait qui a raison du prêtre ou du libre penseur. Les journaux ne retentissent plus que d’un nom celui du poète national. On prépare des funérailles triomphales. Le Panthéon est désaffecté. Hugo traversera Paris, de l’Arc de Triomphe au Panthéon. On n’aura rien vu de pareil, depuis le commencement du monde. 31 mai Ce soir, vers 6 h 20, j’étais dans l’Avenue des Champs-Élysées et je regardais le catafalque du poète qui se dressait, au centre de l’Arc de Triomphe. Il m’apparaissait de loin, avec des lignes confuses et poudreuses. Les foules allaient et venaient. Je me suis approché assez près, et j’ai pu considérer ce monument noir et argent. Des cavaliers maintenaient l’ordre. "

Extrait du Journal de l'abbé Mugnier 1931- "On a surtout parlé de Rilke que la princesse de Thurn-et-Taxisa connu pendant dix-sept ans. Elle fit sa connaissance en 1909. La princesse considère Rilke comme le plus grand poète allemand, après Goethe qu’elle a vivement aimé. Rilke n’était pas très beau mais avait de beaux yeux bleus. Il était né à Prague. Il déclara à la princesse dès le début de leurs relations qu’il n’aimait pas Goethe mais il changea d’avis quand il eut lu la correspondance du poète avec Mme de Stolberg. Les chefs d’œuvre de Rilke sont les Élégies de Duino et Les Sonnets à Orphée.

Liée de plus ne plus avec Rilke, la princesse le reçut à Duino où il écrivit sa première élégie. À Duino aussi, il voulait traduire avec la princesse, la Vita nova de Dante. (…)

Rilke aimait le jardin du Luxembourg. Il parlait français mais avec un accent. La princesse avait apporté ses souvenirs sur Rilke écrits sur des longs cahiers. Elle nous en a lu un très grand nombre de pages."
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L'abbé Mugnier meurt dans sa chambre à Paris le 1er mars 1944 à l'âge de 87 ans. Quelques jours auparavant, il avait confié à une amie sa plus belle phrase peut-être: « Si je devais revivre ma vie, je la revivrais avec plus d'enthousiasme encore.»

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