mercredi, mars 21, 2007

Le bonheur selon Alain

Au cours de la dernière année, quelques lecteurs m'ont écrit sur le philosophe français Alain (1868-1951) à la suite des mes articles sur le sens de la vie. Alain semble toucher une fibre. J'ai reçu encore hier un courriel très senti sur lui.

Alain met au point à partir de 1906 le genre littéraire qui le caractérise, les "Propos". Ce sont de courts articles, inspirés par des événements de la vie de tous les jours, au style concis et aux formules séduisantes, qui couvrent presque tous les domaines. Plusieurs des "Propos" circulent encore beaucoup.

J'ai hésité avant de vous parler d'Alain parce que je trouve que ses textes (surtout ceux sur le bonheur et l'approche de la vie) vieillissent mal quoique gardant un certain charme. Depuis les années 20, nous avons tellement écrits et lus sur le Bonheur que les textes d'Alain apparaissent maintenant un peu surannés. En gros, dans sa série sur le Bonheur, Alain affirme qu'à moins de vivre les affres de la destinée noire, on peut devenir heureux si on le veut...c'est une question de volonté, d'état d'esprit...La part de responsabilité dans notre bonheur serait plus grande qu'on veut bien le croire.

Je crois qu'Alain simplifiant le tout pour nous envoyer un message clair et fort: Svp faites dont un effort quand tout ne roule pas du bon côté des choses. Propos louables mais on sait tous maintenant que rien n'est aussi simple dans la vie...

Allez un petit extrait d'Alain, ca ne fera pas de tort à la blogosphère!!
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Il n'est pas difficile d'être malheureux ou mécontent ; il suffit de s'asseoir, comme fait un prince qui attend qu'on l'amuse (...)

Au contraire, le bonheur est beau à voir ; c'est le plus beau spectacle. Que leurs raisons soient fortes, je le sais ; il est toujours difficile d'être heureux ; c'est un combat contre beaucoup d'événements et contre beaucoup d'hommes ; il se peut que l'on y soit vaincu ; il y a sans aucun doute des événements insurmontables et des malheurs plus forts que l'apprenti stoïcien ; mais c'est le devoir le plus clair peut-être de ne point se dire vaincu avant d'avoir lutté de toutes ses forces. Et surtout, ce qui me paraît évident, c'est qu'il est impossible que l'on soit heureux si l'on ne veut pas l'être ; il faut donc vouloir son bonheur et le faire.

Ce que l'on n'a point assez dit, c'est que c'est un devoir aussi envers les autres que d'être heureux. On dit bien qu'il n'y a d'aimé que celui qui est heureux ; mais on oublie que cette récompense est juste et méritée ; car le malheur, l'ennui et le désespoir sont dans l'air que nous respirons tous ; aussi nous devons reconnaissance et couronne d'athlète à ceux qui digèrent les miasmes, et purifient en quelque sorte la commune vie par leur énergique exemple. Aussi n'y a-t-il rien de plus profond dans l'amour que le serment d'être heureux. Quoi de plus difficile à surmonter que l'ennui, la tristesse ou le malheur de ceux que l'on aime ? Tout homme et toute femme devraient penser continuellement à ceci que le bonheur, j'entends celui que l'on conquiert pour soi, est l'offrande la plus belle et la plus généreuse.

J'irais même jusqu'à proposer quelque couronne civique pour récompenser les hommes qui auraient pris le parti d'être heureux. Car, selon mon opinion, tous ces cadavres, et toutes ces ruines, et ces folles dépenses, et ces offensives de précaution, sont l'oeuvre d'hommes qui n'ont jamais su être heureux et qui ne peuvent supporter ceux qui essaient de l'être.

Alain (1923)

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Merci A&M pour Alain.

Il faut accepter les leçons même si le temps passe et le vocabulaire change. Pour moi, le philosophe Alain reste d'une grande actualité même s'il est tombé dans l'oubli. Pourquoi ne pas présenter quelques extraits? Les favoris de L'Ancien et le moderne...

Anonyme a dit...

Je voulais dire d'autres extraits...

Anonyme a dit...

Merci pour ce texte sur Alain, j'aime beaucoup sur "Propos" et je trouve que l'ensemble des textes d'Alain demeurent d'actualités et nous interpellent encore.